Nous nous trouvions aux lendemains gris et éphémères, quand l’ombre glissante était passée au dessus de la fenêtre. Sous la flamme des chandeliers usés, le temps s’écoulait, insipide, criard. La pièce en était toute embaumée, enveloppée de ce manteau métallique, acide. L’aube était translucide, et il cachait le goût délétère de ses cheveux roulant sur le vieux canapé de cuir. Elle portait une chaussette trop large, qui s’affaissait sur une cheville bleue. Un mince tee-shirt était posé sur son corps. Il avait vu les vêtements comme des artifices, ce bout de chiffon abîmait le corps marbré de la femme. Etendue dans la chambre rougit par la jalousie et l’orgueil, ses yeux fixes s’accrochaient au plafond bas, où tournaient des mouches. Il frissonna de dégoût, l’insecte grouillait grassement, il sentait leurs pattes visqueuses s’empêtrer sur les yeux kaléidoscopiques. « Sales bêtes ».
L’horreur, il la haïssait, elle et ses composants.
« J’ai toujours rêvé de tuer sa mère ». Il la haïssait, et les mots laissaient une empreinte de feu sur sa bouche. Sa mère était un monstre de luxure, de plaisirs sadiques. Elle avait dompté son père comme on dresse un chien, il était là, gisant, à genoux, debout, secouant sa grosse tête baveuse. Elle avait l’art d’évoquer les minutes acides, elle était là où Oberyn la détestait. Dans cette séduction permanente des hommes qu’il voyait défiler quand son  père, absent et malade d’amour pour sa déesse, partait travailler. Dans ses rêves brumeux et turbides, Oberyn voyait s’étaler sa mère sur des lits de satin, ouverte aux hommes et aux dieux. Et Oberyn la haïssait parce qu’il se savait pareil à elle, un dominant satanique, archange déchu. Le Diable fut le plus beau. Il est l'homme de toutes les femmes esseulées, de toutes les femmes en manque d'amour, il est des plus présents, il les tourmente jusqu'a ce qu'elle tombe dans ses filets. mais son coeur est pris par trois femmes, il étire ses pensées cosmiques, son coeur prend des dimensions spectaculaires. De l'amour dérisoire, au pur, en passant par le décadent, Oberyn est fiancé à une femme qu'il n'aime pas, passionné par un esprit qu'il ne peut atteindre, dominé par une nymphette brune.

Sa mère lui donnait le seule amour qu’elle avait appris à donner, celui d’une catin aux habits échancrés. Et malgré ses courtes tenues, il était impossible de l’atteindre, elle était seule et armée d’un long manteau d’orgueil. Quel orgueil me dites-vous ? Celui d’une femme étalée dans des draps putrides, se donnait tout entière à quelques soulards. Un orgueil parfumé par un stupre craché, qui s’abîme au soleil et n’embaume les vêtements qu’une fois la lune levée. Monatgue, un nom qui annonce l'hiver, ces animaux crus dévorent le soleil éclatant, seule la lune a pu les entraver. En leur nom gémissent sous la coupole sacrée les mânes de séduisants êtres. Ils respirent d'âpres passions morbides aux parfums enchanteurs. Ils sont les compagnons des nixes nicettes aux coeur de pierreries, ils ne savent pas aimer. Oberyn a été élevé parmi des hommes impurs, un douloureux mélange de vanité et d’abjection. Il était indigène, terrifié par la valeur de l’or, toutes ses conneries qu’on amassait dans ses mains ouvertes. « Ouvre ta bouche mon fils, reçoit la richesse qui t’anime ». Mais Oberyn est fait de fureur et de bruit, il ne comprend pas le monde dans lequel il évolue. Libre de tout collier de misère, il était pourtant excellent dans ses études, personne ne le sait. Il passait pour l’idiot brutal, l’idiotie primaire et féroce. Doucement, l’ombre dévorante léchait sa peau, laissant place à une amertume mortuaire, dont les chants crâneurs creusaient sa tête en mille faisceaux. Il s’ouvrait à un monde qu’il commençait à connaître, absent du spectacle macabre où s’évertuait de danser les jeunes gens, il s’obligeait à comprendre les nombreux rouages d’une société pourri par l’argent. Il commentait, jugeait avec une précision propre de l’indécence, le monde matriciel dans lequel on l’avait jeté. Cerveau ubéreux, intellect furieux, il s’agissait de gagner la démence pour mieux joindre la décence.  Il se fichait pas mal, c'est ce qui lui permettait de vivre. Parfois le soir, il gueulait à s'en arracher les cordes vocales, il souhaite se libérer de cette errance, cette insuffisance qui lui prenait le coeur. Il était otages de ses propres affronts, ses propres fautes, il tentant d'échapper à la seule prison qui ne s'abîme jamais, le temps.

Son père lui avait menti.  Oberyn se souvient  encore, quand il était jeune, la volonté dont son modèle faisait preuve : « Tu ne peux pas dire je n’y arrive pas. Tu ne me dis pas ça à moi. La seule chose que je veux entendre est : J’ai des problèmes, je n’ai pas encore terminé. » Lui et ses simulacres de pouvoir,  l’ont pas trop souvent tourmenté. Son esprit est un mur froid dont les portes closes sont depuis trop longtemps fermées.  Il est des plus durs, et sa cruauté stridente retentit encore quand Oberyn songe à son éducation. Cette vie dissolue qu’ils menaient, père, mère, lui avait été interdite dès l’aube de son existence, tout en lui promettant à de pareilles déchéances. Ils ne peuvent l’accuser aujourd’hui de ce comportement, il n’est que leur digne héritier, le dernier fou d’une grande lignée. Ils ont su comment manipuler son esprit infantile, mais ce dernier se dresse contre eux, soldats noirs, défaits par les plus tristes guerres. En leur maison, plus d’armes, plus d’étendards éclatants, juste un pâle foulard blanc, vestige de grandeur, sous le soleil déclinant. Ils voulaient faire de leurs enfants des rois, mais ils n’ont fait que modeler des chasseurs, ils sommes des sbires, des traqueurs. Des fils et des filles de rien, ayant pour arme le seul cadeau qu’ils ne leur eurent jamais donné : une haine viscérale, palpable, tranchante. Contemplez leurs mains tachées de sang, celui que qu’ils chérissent tant. Il n’est que souillure à ses yeux crépusculaires, ils se ferment, humant ces gouttes de fer.  Oberyn a appris par mère que son père ne souhaitait plus le voir, que tous les aspects de sa personne le répugnaient. Pourquoi donc ? Parce qu’une jeune moldue en a touché les mains froides et distantes. Mais Oberyn se rapelle encore les catins qui venaient le soir pour l’embrasser sur la joue. Ces dernières avaient le sang plus sale  que tout Londres, on lisait dans le regard vide la déchéance molle de ces sirènes échouées. Il lui assure aujourd’hui, il n’éprouve aucuns sentiments pour la jeune née-moldue, elle n’est qu’un amusement des plus idiots, des plus puérils. Elle semble éprise, mais il la brisera pour mieux le servir, et pour mieux servir le Lord. Il prendrai celle que son père désignera pour épouse, comme il était convenu. Et il n’aura plus à se morfondre sur son avenir, Oberyn suivra le chemin sinueux tracé par sa naissance. Il suivra les cendres de son père jusqu’au plus profond des affres, il sera lui. Comme convenu.  


Ils sont nés tous les deux dans un monde enclins à les séparer, à leur faire du mal. Dans la demeure alcoolisée, dans une pièce remplie de fureur et de bruits, Oberyn serre de ses doigts damnés le corps charnue de Dolores. Il frôle lentement sa tête de poupées de cire, il la tient tant bien que mal dans ses bras décharnés. Il c’est entrainé avec des bouts de chiffon à tenir la petite fille, leur deux corps sont enclavés, elle est à peine née qu’il ne lui laisse pas voir la lumière diaphane du satin. Leur père allume sa baguette au feu du jour, fait étinceler cette journée suffocante. Leur mère est dans la pièce d’à côté, elle se repose depuis deux jours, on ne l’entend pas murmurer, pourtant elle parle en continue, comme un vieux conte ressassé. Dolores ne pleure plus, le doigt de son frère l’amuse beaucoup plus. Elle est si fragile, Oberyn tend sa paume, et l’ombre couvre le visage de sa sœur. Il est tenté d’imprimer ses sains gigantesques  sur la tête trouée de deux gros yeux provocateurs de Dolores . Mais l’enfant a faim, et la mère ne sait plus que s’écouter, elle se met alors à chercher la tétine d’un air agacé. Dans la ville qui voit des corps morts danser, le cri de Dolores pénètre les voutes « Donne lui à manger » Et Oberyn s’exécute, lui donne la becquée, parce que leur père ne veut pas s’occuper d’une enfant de trois ans, et que sa mère préfère s’écouter. Oberyn est calme, placide, presque chevaleresque avec sa sœur. Son naturel turbulent est canalisé en un seul but : faire plaisir à l’enfant. Que reste-t-il de l’infatué ? Si ce n’est qu’un tas de cendre, que sa sœur a doucement piétiné. La cendre noire recouvrait la plante dodue des pieds, mais elle était froide, Oberyn c’était inquiété pour rien, à nouveau. « C’est pour moi ? » Dolores souffle, elle est heureuse. Oberyn a cette étrange habilité à trouver ce qui plairait à sa sœur. Il manifeste une certaine dextérité qui lui vaut un sourire gêné, imperceptible, qui lui fend le cœur en deux. Il précède celui qui serait forcé, mais étincelant, il ne comprend jamais les sourires de Dolores, il aimerait pénétrer son cerveau, s’enfoncer dans le sombre caveau. Dolores, entend tous les tourments de son frère mais ne sait lui répondre. Ils désiraient chacun le don de l’autre, ils voulaient déceler ce que l’autre décelait, ils voulaient comprendre. Dolores se sent toujours à côté, ne sait jamais que faire, les suppliques sourdes de Oberyn restent sans réponse. « Merci » Quelle ingrate ! Elle n’ose faire plus, il est si muet qu’elle s’enfouit un plus dans son insensibilité chronique. Alors, doucement, elle l’enserre de ses doigts chauds, des bras tendres. Il l’accueille avec plaisir, embrasse sa tempe d’un geste protecteur, possessif.

Dolly, sa douce et arrogante Dolly. Malgré leur relation houleuse, des plus changeante, elle c’est accroché à sa vie comme si elle était sienne, elle a sauvé un être qui ne méritait que de tomber. Et pourquoi ? Parce que son cœur est déchaîné par une lubie des plus abstruse, anticonstitutionnelle, régissant chaque mouvement, chaque pensée, chaque pas qu’il souhaiterait faire. Sa douce Dolly, ils étaient les enfants séparés, ceux qui préféraient s'arracher les cheveux au lieu de partager le plus simple des jouets. Terribles ? Surement, mais à présent, toute querelle passée est oubliée, ils ne ressassent pas ces cauchemars, n’appartiennent-ils pas à un autre monde ? Ils n'ont jamais eu le luxe de se morfondre dans des rêves les plus roses, ils ne se perdront pas dans ces simulacres d'horreur. L'enfant me révèle petit à petit son visage, il croit malheureusement qu'elle est des plus gâtées, plus pourrie que lui. Elle s'efforce à se noyer dans son propre malheur, parfois il aimerai appuyer un peu sur sa tête, l'aider dans son acte laid. Il ne peut se résoudre à la transformer, à la modeler à son visage. Il l’a connait si bien à présent. Petite Lo échevelée, son écriture est toujours aussi désordonnée, brusque qu'autrefois, et elle est un malheur à regarder. Mais il ne veut plus la voir, il cessera de la tourmenter, elle, sa Lo, sa Dolly. Elle reste l'enfant brune et rose, brûlante et souillée, celle qui minaude en dévoilant ses épaules lorsque il arrive. Petite soeur, elle était un monstre de domination, elle a manipulé sa vie de ses yeux grimaçants. Mais tous cela dois s'arrêter dès à présent, leurs jeux vicieux prennent fins dès maintenant. Il y met un terme, car sa Lola s’est perdue et il ne fait que lui montrer la mauvaise voie. Dans ses chaussettes informes, elle erre sans âme, sans chagrin, elle n’a rien pour pleurer, pas même les vestiges d'une ancienne estime de soi. Il l’a détruite dès son plus jeune âge, elle lui a interdit d'aimer depuis toujours. Ils s’entre-déchirent, ils se haïssent, oui ils se détestent. Elle danse sur les mots qu’ils avaient tissés, tard le soir quand elle paressait sous sa couette, prétextant la peur de l'orage. Il savait bien qu’elle n'avait peur de rien, si se n'est d'être imparfaite, banale. Oh ! Il l’a voit bien, en bouderies bleues, vêtue de son hilarité rose, parcourir ces mos de ses yeux d'abadir, oui ses pierreries trompeuses qu’elle chérit tant. Non, il lui demande pardon pour tout le mal que qu’il lui a fait, pour toute la médiocrité de son être faible. Le baiser qu’il lui a donné sous la fureur, il le reprend, il ne lui appartient plus. Plus exactement, il lui rend ce moment volé, quand il a souillé ses lèvres des siennes, gangrenées.