Le monde s'imaginait que la première à venir au monde, à s'extirper des cuisses de Whilelmina Yaxley ne serait nul autre qu'un héritier. Et non pas cette créature chétive, dépourvue de pouvoir magique, que Theon ne tarda pas à étouffer sans scrupule, tandis qu'un regard acide se portait sur celle qui était née Flint, et qu'il avait pris pour épouse moins d'une année plus tôt. Pas un mot, pas même l'ombre d'une menace ne trébucha à ses lèvres, mais le message n'en était pas moins clair... une autre chose de ce genre, et il se débarrasserait d'elle. Ou s'arrangerait pour glisser dans leur mariage un bâtard qu'il ferait passer pour légitime. Un fils qui porterait toute la noblesse du sang qui était celui des Yaxley, combien même rôdaient-ils dans l'ombre. Combien-même avaient-ils soutenus le Seigneur des Ténèbres juste avant sa chute. Mais il n'eut besoin de mettre en action ses menaces, puisque moins de cinq mois plus tard, Whil se rendait compte d'une nouvelle grossesse... celle qui la laissa pleine d'appréhension jusqu'à ce qu'ils découvrent un nourrisson en pleine santé, mais porteur de l'étincelle magique qui avait manqué à Meera, leur première née qui n'avait aucune véritable existence.

Blane venait de naître au sein de cette famille dépourvue d'amour, de tendresse, d'attentions. Sa mère était une créature éthérée qui ne s'intéressait pas à lui, et laissa les premières années de sa vie, tous ses soins à la charge de leur elfe de maison. Son père, de son côté, ne lui porta de l'attention que vers ses quatre ans, âge où il manifesta vraiment ses capacités magiques. Auparavant, le gamin n'avait pas d'utilité aux yeux du patriarche, qui bien qu'il savait que son fils était porteur de magie, ne voyait pas ce qu'il pourrait attendre d'un bébé baveur. Autant dire que ces quatre premières années furent dispensées de cadre, de discipline, tandis que le manoir familial ainsi que le domaine, étaient son terrain de jeu. Univers dont il était le roi, le seigneur, le maître, et où il laissa les premières manifestations de ses déviances se manifester sous le regard inquiet de l'elfe qui n'osa rien redire. Qui était-il, après tout, pour donner des ordres à son petit maître ? Personne.

Aussi, lorsque son père décida de s'intéresser à son éducation, les premiers ravages étaient déjà présents, aussi odieux que le présage vulgaire de ce qu'il pourrait devenir en grandissant. Mais ses mauvais côtés ne pouvaient que plaire à ce paternel qui vit en lui plus qu'il n'aurait espéré trouver chez un enfant : un être capable d'étouffer un nourrisson parce que c'était ainsi. Il lui suffirait de terminer son éducation, de lui bourrer le crâne de leur supériorité sur le reste du monde, lui apprendre les règles du jeu pour ne pas finir à Askaban. Mais surtout... lui apprendre les êtres à qui il devait le respect. Et ça... ça, ce n'était pas gagné. Privé de toute figure d'autorité depuis sa naissance, dénué d'un modèle de bien et de mal, autorisé tacitement à disséquer des animaux sans que personne ne vienne lui dire que ce n'était pas bien, Blane mit en échec ce paternel pour lequel il n'avait aucun respect.

Comment Theon l'a-t-il gagné ? Y est-il seulement réellement parvenu ? Rien n'est moins sûr, mais il usa de punitions corporelles, de sortilèges, le tout aggravant encore l'instabilité mentale de son héritier qui ne porte pas l'ombre d'une trace des sévices infligés, grâce aux différentes potions utilisées pour le soigner. Son corps reste donc un témoin muet, mais son âme déchirée vibre encore de souvenir où le petit garçon serrait les dents avant de laisser un rire moqueur s'extirper de ses lèvres blessées. Il grandissait dans cet univers, apprenait la noirceur, les pensées des sangs purs devenant siennes à mesure que les paroles parentales se fracassaient dans l'ombre de son esprit instable. Rongé. Nécrosé. Si Theon n'est jamais parvenu à totalement contrôler son fils, il a su tisser son esprit pour en faire un être dont il pourrait être fier, quoiqu'il advienne. Il savait même déjà la manière dont il pourrait introduire l'idée de le fiancer... non pas en l'y contraignant, mais en lui faisant miroiter la possession d'une vie, d'une existence. Du moins le pense-t-il, ce qui, au fond, n'est peut-être pas si faux et déraisonnable à penser lorsque l'on connaît les obsessions de Blane. Mais justement... celle-ci devrait l'éveiller pour tenir une place dans son univers, ou crever de son indifférence la plus mortifère, et être considérée comme sacrifiable sur l'autel de son ambition.

Ainsi... il entra à Poudlard du haut de ses 11 ans, et fut réparti sans surprise à Serpentard, malgré l'intelligence rare qui était sienne. Rapidement, il a montré d'excellents résultats scolaires, mais restait un être décalé... que pourtant, il était bon d'avoir de son côté. Retord, malsain et manipulateur, le fourbe Yaxley était capable de montrer une cruauté rare dans les vengeances qu'il infligeaient, se moquant des conséquences punitives que Poudlard faisait implacablement tomber sur lui lorsqu'il était pris la main dans le sac. Mais quelle faible comparaison avec ce qui se passait chez lui, dans cette application que son père prenait à lui inculquer d'être plus discret dans ses actes... et il le devint peu à peu, parfait élève désobéissant et impulsif qu'il soit pourtant. Mais il comprit rapidement l'intérêt de certains à évoluer dans son cercle, et si, en ce qui concernait ses véritables amis, il ne demandait que la contrepartie que l'on attend justement de ces êtres, il monnayait ses actes vis-à-vis des autres... adorant posséder cet insidieux contrôle sur certains êtres.

Mais ce qui, très tôt le fascina véritablement, fut le domaine de la botanique, des potions et des poisons... bien qu'il ne déméritait pas en duel. Son être tout entier se tendait vers d'autres aspirations, une véritable ambition d'en découvrir toujours plus dans ces domaines plus en retraits. Lui qui scruta ce qui se passa d'un regard attentif, qui écouta son père lui parler du retour du Seigneur des Ténèbres, fragile écho des propos du balafrés, qui lui, parlait de menace, quand son père parlait d'honneur et d'avenir en leur faveur. Spectateur indifférent, il se glissa dans les changements à la manière d'un serpent muant simplement pour mieux se complaire dans les nouveaux privilèges. Et lorsque Harry Potter fut tué, tandis que des larmes discrètes envahissaient le monde, il ne ressentit rien, si ce n'est de l'indifférence pour cette mort qui ne le concernait pas. Aussi, naturellement poursuivit-il sa route, reniant l'autorité, s'enfonçant dans les méandres de l'allée des embrumes, faisant un accord avec le propriétaire du Dragon Aveugle, poursuivant ses expérimentations... dans ce total égoïsme qu'il aime envelopper d'un soupçon de mensonge et de manipulation. Car qui a dit qu'il vomirait la présence de traitres... forcément ? Tout se paie, tout s'achète... à savoir si la liberté est le prix que l'on préfère payer ou si un autre est acceptable. Mais il soutient Voldemort, le gouvernement, tout n'est qu'une question d'obsession, de possession. Il n'est pas prévisible. Il n'est que l'instabilité dont on ne connaît le prochain acte et qui rôde dans les rues avec sa propre conception du monde.