1ER SEPTEMBRE 1980 Du haut de ses onze ans, la jeune princesse Greengrass esquissa un sourire ravageur face à son miroir au colossal cadre d'or qui la dépassait largement. Si la perfection aurait eu un nom, sans doute aurait-elle porté le sien. Aujourd'hui était un grand jour : Daphné entrait à Poudlard pour la première fois. C'était un évènement qu'elle semblait avoir attendu avec impatience depuis la naissance. Si Poudlard n'avait pas l'élitisme et le raffinement de Beauxbâtons, c'était tout de même une des plus grandes écoles de sorcellerie du monde entier. Elle trépignait, littéralement. Pour être plus précise, elle ne s'était jamais sentie aussi euphorique. Car c'était le début d'une nouvelle ère de son existence. Daphné avait hâte de faire ses marques et elle devait absolument s'assurer qu'en plus d'être reine au manoir familial, elle serait également souveraine vis-à-vis de ses camarades. Hors de question qu'autrui se permette de lui dicter des lois ridicules. C'était une sang-pure et en tant que petite sorcière de ce rang, Daphné avait pour obligation de ne pas être engloutie par des impurs. Tel était son devoir. Car oui, à onze ans, Daphné avait déjà des notions de responsabilité et d'honneur. Son éducation avait été soignée, peaufinée avec le plus grand soin. Ses parents émettaient de grands espoirs et des attentes longues lorsqu'il s'agissait de la cause daphnienne. Alors, il était de rigueur qu'elle soit parfaite pour ce jour J ainsi que les autres à venir. Elle lissa les pans de sa robe noire. Couleur du classisisme et de l'intemporel. Rayonnante, Daphné se tourna vers sa cadette. La petite Astoria - petite mais déjà trop mature pour son âge - était assise au coin de la pièce, observatrice et silencieuse. « Comment me trouves-tu ? » lança-t-elle de sa vivacité éternelle, bien qu'elle entrevoyait presque les mots qui allaient franchir les lèvres de sa jeune soeur. Elles ne se ressemblaient en rien - sur le plan psychologique - mais Daphné était consciente qu'elle faisait figure d'exemple pour Astoria. A vrai dire, là où Astoria manquait d'un modèle maternel, Daphné avait essayé de combler ce vide. Parce que Daph aussi, avait ressenti ce manque inavoué. Elle n'avait pas désiré la même chose pour Astoria. Mais elle n'ignorait pas que pour Astoria, elle était une soeur. Deux soeurs qui ne se séparaient que peu au manoir. Elles faisaient une bien jolie paire, malgré que l'entente n'était pas au beau fixe à chaque instant. Ces fillettes flottaient dans deux univers mentaux indéfinissables mais différents. Astoria se redressa, agile. « Très belle. » La communication, ce n'était pas le dada d'Astoria. Là, elle communiquait en toute sincérité. Astoria se dirigea vers la coiffeuse, s'emparant d'un pendentif d'argent dans la boîte à bijoux afin de le remettre autour du cou de son aînée. C'était le plus bel héritage familial, celui que Daphné avait reçu de la part de sa grand-mère lorsqu'elle avait reçu sa lettre d'admission à Poudlard. « Tu es parfaite, maintenant. » Un sourire franc s'était installé sur les lèvres de Daphné, qui eut à son plus grand damn un horrible élan d'affection pour Astoria. Ce fut sans doute abrupt, trop inattendu pour être vrai, mais Daphné eut l'initiative de prendre sa benjamine dans ses bras. La vérité était que délaisser Astoria lui fendait le coeur. Mais ce devait être le déroulement de la vie. L'avantage était qu'elle s'était épargnée cette scène de soeur aimante et protectrice en public.


24 MARS 1996 Serpentard, avait scandé le Choixpeau Magique de toute ses forces afin d'annoncer le verdict final concernant Daphné. Une soif de réussite épatante, un masque lisse qui cachait un dédain pour les règlements, caméléon capable de s'adapter à chaque situation et d'en tirer profit. C'était indéniable, elle ne pouvait qu'avoir sa place chez les vipères. Victorieuse, elle s'était lovée près de ses camarades reptiles là où Astoria avait suggéré Serdaigle tant la perfection appartenait à Daphné. Sa cérémonie de répartition, Daphné s'en souvenait par coeur. Cette cérémonie, c'était l'instant où le journal de l'enfance et des couches avait brûlé pour renaître sous une nouvelle forme. Une forme brillante, qu'elle ferait scintiller davantage au fil des années. A l'image même des mille paillettes ensorcelées qui enveloppaient son livre d'histoire de la magie qu'elle s'amusait à faire léviter en plein cours de Défense Contre les Forces du Mal... jusqu'à que le bouquin ne se fracasse avec un bruit sourd sur sa table. Et en même temps, le rictus traditionnel de Blaise qui accompagnait l'accident. « Enchantement spectaculaire, Miss Greengrass. » La voix minaudante de Dolores Umbridge eut le don de faire criser l'ouïe délicate de Daphné, qui darda un regard d'acier sur la face de crapaud faussement aimable de son professeur. Cette dernière s'approcha davantage de Daphné, enserrant délicatement le poignet de son élève... uniquement d'un point de vue extérieur, car elle ne tarda pas à resserrer l'étau. « Mais j'ai stipulé que les baguettes magiques devaient être rangées durant mon cours. » Chaque lettre semblait s'être déliée de la langue d'Umbridge avec minutie. Daphné fut tentée de rétorquer qu'elle ne ramenait pas son fessier à un cours, mais plutôt à une conférence mélancolique. Ce qu'elle ne fit en rien. Un ravissant sourire candide s'était affiché sur son visage d'adolescente. « Pardonnez mon écart de conduite, professeur. S'asseoir à côté de Mr Zabini est source de dépravation. » lança-t-elle, douce et redoutable à la fois. Ah, mange donc ça, Blaise ! Les lèvres pincées, Umbridge retourna à son discours comme si de rien n'était. Sans doute était-il imprudent de s'en prendre de trop près à la fille de Jorah Greengrass. Daphné rejeta sa longue crinière brune derrière son dos, ses cheveux fouettant au passage la face de Granger la née-Moldue au moment où la sonnerie retentissait. Blaise n'avait pas manqué la scène orchestrée par Daphné, bien qu'elle eut l'air de ne pas avoir fait exprès. Comme toujours. Hermione Granger lui lança une oeillade assassine lorsqu'elles franchirent côte à côte la porte de sortie. Granger, Granger... La Sang-de-Bourbe qui réussissait son parcours scolaire à merveille, à l'instar de Daphné. Là était le soucis. La Gryffondor ne pouvait-elle pas se contenter de se réduire à son misérable rang d'inférieure ? Par Merlin, quel affront insupportable pour la princesse Daphné. Cette dernière était sur les pas de Granger, sillonant la foule d'élèves telle la parfaite vipère silencieuse. Un parchemin rouleauté dépassait du sac trop rempli de la studieuse amie de Saint-Potter. Le devoir écrit de potions, une synthèse sur l'Amortentia. Lorsque Granger prit la distance nécessaire, Daphné dégaina l'arme fatale, la pointant en direction de ce qu'elle ciblait : ce fichu devoir. « Accio parchemin ! »

(...)

Le devoir de potions de Granger brûlait lentement dans l'âtre de la cheminée de la salle commune des Serpentard, sous le regard amusé de Blaise et celui goguenard de Malfoy, assis tel un roi sur le canapé le plus large de l'antre des serpents. « Mes félicitations pour ce vol, Greengrass. C'était... instructif. » La remarque pertinente de Malfoy eut le don de faire rire la petite assemblée, qui avaient tiré bénéfice du coup de maître de Daphné. Daphné avait réduit les chances de Granger d'obtenir la meilleure note de la classe en détruisant le document, tandis que ses camarades avaient eu le choisir de copier les meilleures idées de la lionne aux crocs de lapine. Malfoy lâcha un baillement exténué, ne tardant pas à gagner le dortoir des garçons. Goyle, Crabbe et Parkinson suivirent le mouvement. Blaise et Daphné étaient désormais seuls dans la pièce. La tête de Blaise reposait sur les genoux de Daphné, qui avait le regard perdu dans les flammes. « Tu es satanique, Daph. Tout ça parce que tu ne supportes pas d'être distancée par une née-Moldue. » Les doigts de Blaise jouaient avec habilité avec une pièce d'argent provenant d'un pays étranger. Bien qu'ils étaient meilleurs amis et ça, depuis une éternité, Blaise maniait la provocation avec une aisance qui la piquait fréquemment au vif. « Elle n'avait cas avoir le bonheur d'être plus rusée que moi. » Nerveuse, Daphné fut tentée de repousser Blaise au sol mais se retint. Daphné, c'était une oeuvre d'art pleine de bonnes manières et de grâce. Elle dissimulait ses penchants féroces derrière une sérénité perturbante pour la plupart et tâchait de ne pas se fâcher en toute circonstance. Au fil du temps, elle avait appris à ne montrer aucune émotion. Rien ne devait l'atteindre et l'affecter. Daphné était devenue la reine des illusions en plus d'être celle de beauté. Les enseignants ne se doutaient pas des plans machiavéliques orchestrés par la sublime vipère, qui véhiculait une image saine de sa personne. Ce n'était pas eux qui seraient capables de croire que Daphné Greengrass pouvait être capable de la pire des bassesses, comme s'emparer du devoir de sa rivale. « Malsaine, tu veux dire. » murmura-t-il, mais de façon suffisamment audible pour que Daphné puisse l'entendre. Une moue attendrie s'afficha sur le visage immaculé de Daphné. Sa main droite parcourut la peau mâte et exotique de Blaise, ses doigts de fée s'attardant ensuite sur les lèvres de son confident qui lui mordilla l'index. « N'est-ce pas comme ça que tu m'aimes, Zabini ? » « Autant que je te déteste, princesse. »