Tu ouvres les yeux, tiré trop rapidement à ton goût d'un sommeil réparateur. Des bribes de souvenirs se faufilent dans les méandres de ton cerveau, te faisant te rappeler de l'horrible vérité en quelques secondes. Ce n'était pas un rêve. Ton père est mort. Une fois le processus de réalisation terminé, tu te lèves difficilement, éclairant ton passage jusqu'à la cuisine familiale d'un coup de baguette. Il y a maintenant trois jours que les représentants du ministère sont venus frapper à ta porte, trois jours que les volets n'ont pas été ouverts, trois jours que ta mère est apathique. Tu la trouves d'ailleurs assise à la table de la cuisine retournant une vieille animée de ton père, lors de ses années glorieuses en tant que jeune joueur de quidditch. Tu poses une main hésitante sur son épaule. " Mère... Est-ce que vous avez mangé ?" Lentement, elle se retourne, te regardant comme si tu n'étais rien d'autre qu'un veracrasse répugnant. Le deuil ne lui a pas fait perdre son habitude de t'écraser de son mépris. " Ton père a été assassiné... tu crois que je me préoccupe de mon appétit ?" Tu cilles, surpris. Tu la regardes comme si tu voyais sa folie pour la première fois. Pourtant, elle t'en a déjà montré la preuve éclatante lorsqu'elle a gâché ton premier jour d'école en t'envoyant une beuglante parce que tu as contrarié ses souhaits en n'allant pas dans la même maison qu'elle. " Il n'a pas été assassiné... Il a été tué par les tireurs d'élite de la brigade... Mère ! Il a tué trois moldus et deux sorciers et il refusait de se rendre." Elle ne semble même pas t'écouter, regardant fixement la photo qu'elle tord entre ses mains, elle lance sa sentence d'une voix tranchante. "Tu ne l'as jamais aimé de toute façon. Tu n'aimes pas ta famille, tu ne lui fais pas honneur. Je ne vois pas pourquoi cela changerait aujourd'hui." Une nouvelle fois, tu accuses le choc. Elle sait exactement quoi dire pour te blesser. Le combat de ta vie a été de les rendre fiers. Même si en grandissant et en côtoyant d'autres sorciers, tu as compris que tes parents étaient loin d'être pareils que ceux des autres. Une colère longtemps refoulée refait surface dans ta poitrine. " CE N'EST PAS VRAI. Je l'aimais aussi." C'était un homme rude, parfois violent mais dans ses bons jours, il t'avait apporté plus d'amour que ne le ferait jamais cette femme que tu dois appeler mère alors qu'elle n'en a jamais été une. Une lueur féroce dans le regard, elle te regarde enfin. " Prouve-le ! " Au fond, tu es toujours ce petit garçon en quête de son approbation. C'est ce qui explique sans doute la facilité avec laquelle tu tombes dans son piège. " Comment ? " Elle te dévisage de longs instants sans aucune indulgence, comme si elle te jaugeait. Puis avec une satisfaction pleinement malsaine, elle resserre le piège autour de toi. " Venge-le ! Sauve le peu d'honneur qu'il reste à famille. " Elle sait ce qu'elle te demande et scrute ton visage avec avidité comme si elle essayait de voir le débat intérieur qui t'anime. Mais elle a déjà gagné. Si tu refuses, tu passera pour un menteur, tu confirmera son statut de fils ingrat, elle te jettera probablement dehors, te privant de la seule famille qu'il te reste. Tu finis par hocher la tête sans trop savoir à quoi tu t'engages. C'est sans compter le niveau de malfaisance de ton adversaire. " Tu peux faire mieux que ça. Je veux que tu fasses le serment inviolable."


" T'engages-tu, Oberyn Smythe à venger ton père ? " Ta main enserre étroitement celle de ta mère et tu la regardes dans les yeux tandis que tu réponds d'une voix ferme. " Je m'y engage " Une langue de feu surgit de la baguette de votre enchaîneuse, illuminant un bref instant son regard concentré, puis vient s'enrouler autour de vos deux bras joints. Maintenant, le retour en arrière semble difficilement possible. " Et t'engages-tu à tuer de tes propres mains l'auror Lachelan Tremlett, responsable de la traque et de la capture de ton père ? " Chaque pique, chaque vexation, chaque lamentation de ta génitrice avait mené à ce moment. Celui où tu accepterais de devenir un meurtrier, de renoncer à ton avenir pour être l'objet de sa vengeance. Tu inspires un peu d'air. " Je m'y engage " Un deuxième filin rougeâtre vint s'ajouter, s’entremêlant avec première pour former une étroite chaîne. Celle-ci flamboie quelques instants avant de s'éteindre subitement. Pour la première fois depuis ce qu'il te semble une éternité, ta mère fait preuve de tendresse, laissant sa main noueuse quelques instants dans la tienne. Et à ce moment-là, tu as presque l'impression d'avoir fait le bon choix.