"There is always one moment in childhood when the door opens and lets the future in." G. Greene
"Vite, il faut l'emmener à l'étage, il a besoin de soins plus poussés. Viiiiiiiiiiiiite !" Nyx commença sa course et monta les escaliers en bois, qui grincèrent sous son poids. Elle traversa le couloir d'un pas précipité, passant devant une pièce entreouverte. "De quoi souffre-t-il cette fois ?" La sorcière s'arrêta et revint sur ses pas pour retourner au niveau de la porte entrebâillée qu'elle ouvrit d'avantage. A l'intérieur, un homme était assis sur un fauteuil voltaire près d'un bureau en chêne, un journal aux illustrations animées lui cachant le visage. Vexée par le ton monotone employé, Nyx fronça les sourcils. "Sache que c'est très grave, il souffre de la Dragoncelle et comme il est âgé maintenant, c'est très dangereux pour lui." "Âgé ?! " s'offusqua-t-il tout en refermant son journal. "Tu as Teddy depuis que tu es née, il a donc tout juste dix ans, tout comme toi. Bientôt onze." Il posa un regard amusé sur sa fille. " Si Teddy est âgé alors je suis très très très vieux." La jeune fille s'approcha lentement de lui et posa une main sur son épaule. " C'est la réalité papa." Mr Derwent éclata de rire." Allez file au lieu de dire des bêtises, tu sembles avoir plus urgent à faire." Nyx tourna les talons et se précipita vers sa chambre, elle posa son ours en peluche sur le lit et se saisit d'un bout de bois trouvé dans son jardin qui faisait office de baguette magique. Elle marmonna quelques incantations qui ressemblaient plus à des chants religieux qu'à de la véritable magie, versa quelques goûtes d'un mélange de boue et de mauvaises herbes sur le front de son ourson et remonta la couverture jusqu'à son cou. " Voilà, tu es sauvé." Elle fixa la peluche quelques secondes puis lui tapota la patte. " On vous enverra la facture des soins par hibou." Elle se releva ensuite et se dirigea vers son bureau quand quelqu'un frappa à la porte.  " Je suis occupée, repassez plus tard !" hurla-t-elle tandis que l'inconnu tournait la poignée. Nyx tourna le visage vers sa mère qui venait de pénétrer dans la pièce, les bras chargés de vêtements propres qu'elle déposa sur le lit. La jeune sorcière lui lança un regard accusateur. " Maman ... Je travaille ! " Un sourire amusé éclaira le visage de la mère de famille. " Vous avez reçu une lettre, docteur. " " Ah oui ? " s'exclama-t-elle en s'emparant de la lettre que sa mère lui tendait. Elle l'examina quelques secondes avant de l'ouvrir, laissant l'enveloppe tomber sur le sol, elle déplia le parchemin qu'elle lut à voix haute. " Cher Mlle Derwent,
Nous avons le plaisir de vous informer [...] "


Our lives begin to end the day we become silent about things that matter. M.L King
"Harry Potter est mort." Nyx posa sa main sur le rebord de la chaise pour se retenir. Le choc de la nouvelle lui coupa la respiration. Harry Potter mort ? La première image qui lui vint en mémoire ne fut pas celle du combattant, du héro, de l'élu, non, elle revit le petit garçon aux yeux bleus semblables au sien s'avançant timidement jusqu'au choixpeau magique, alors qu'il n'avait que onze ans. Elle se rappela des épreuves qu'il avait enduré durant sa scolarité. Elle qui était en troisième année et dans une autre maison n'avait pas réellement côtoyé celui qui fut presque autant aimé que détesté. La sorcière s'assit, les yeux embués de larmes. Elle ne pouvait pas croire que cela soit vrai, il y avait forcément une erreur, un malentendu, peut-être était-ce une ruse pour que le gouvernement baisse sa garde. "Co.. Comment ?" balbutia-t-elle en s'essuyant les yeux d'un revers de manche. "Tu sais qui ... Tu sais qui l'a tué." La dure réalité s'écrasa sur elle de tout son poids, semblable à une météorite. Voldemort a tué Harry Potter. C'était donc bel et bien fini. Le monde sombrerait dans un hiver sans fin, les nés moldus seraient traqués, obligés de s'enfuir ou seraient tués. C'était un point de non-retour, il était impossible de se donner de la force en s'imaginant que tout finirait par s'arranger, qu'un jour tout irait mieux parce que ceux qui doivent s'interposer s'interposeraient par la force des choses. L'élu lui-même, l'être choisi pour vaincre Voldemort venait de périr de sa main. Nyx regarda autour d'elle. Cet appartement au cœur de Londres lui semblait soudain être un refuge bien insuffisant, elle posa son regard sur sa colocataire qui fixait la table de la cuisine, l'air horrifiée. Elle posa d'abord une main sur la sienne puis elle se leva et la prit dans ses bras. "Tu verras, tout va s'arranger." Mentit-elle tout en serrant la jeune femme dans ses bras. Elles n'étaient pas assez fortes pour affronter ce genre de situations. Demain il faudrait retourner en formation à Ste Mangouste, comme tous les jours, comme si de rien n'était. Il ne fallait pas qu'ils puissent s'imaginer que la mort d'Harry Potter l'avait affectée.



“All we have to decide is what to do with the time that is given us.” J.R.R Tolkien
"Dire qu'il y a quelques années encore, les sang-de-bourbes pouvaient aller et venir à leur guise comme n'importe qui d'autre.. Tu imagines ?" relata d'une voix sonore une vieille sorcière vêtue d'un long manteau de fourrure et d'un chapeau ridicule, qui se tenait devant Nyx à la sortie des cheminées de l’hôpital et qui discutait avec un grand sorcier au regard sombre. "Hein tu imagines ? Le seigneur des ténèbres nous a apporté la paix. C'est moi qui te le dis." Nyx accéléra le pas pour ne plus entendre de telles sornettes et courut presque pour rejoindre les vestiaires. Quand elle fut arrivée, à l'abris, elle se laissa glisser le long de la porte et resta assise à même le sol durant quelques minutes. Les yeux fatigués, le visage cerné, elle était elle aussi victime du gouvernement, à sa façon. Pire encore que les douleurs physiques, sa torture était psychologique. La médicomage se sentait impuissante et une profonde honte l'accompagnait partout comme son ombre depuis quelque temps. Chaque fois qu'elle se regardait dans un miroir elle ne voyait qu'une lâche incapable de courage, qui baissait lamentablement les yeux devant les atrocités d'un régime totalitaire. Il lui arrivait d'omettre certains détails sur ce qu'elle savait quand la brigade rouge venait lui poser des questions sur tel ou tel patient mais c'était bien là la seule bonne action qu'elle faisait. Chaque jour elle s'imaginait préparer son baluchon et prendre la fuite, rejoindre la résistance et utiliser ses connaissances pour les soutenir et puis elle se disait "Et si on a besoin de moi à l’hôpital ?"; soucis de l'autre ou fausse excuse, elle-même n'en était pas vraiment sûre. Elle si amusante et pétillante avait perdu de sa superbe depuis quelques semaines. C'était de plus en plus dur d'accepter la situation et de faire semblant que cela lui convenait parfaitement. De plus en plus dur de ne pas prendre parti. Surtout qu'elle réalisait chaque jour d'avantage que son inaction n'en était pas vraiment une puisqu'en décidant de ne pas aller contre le gouvernement, elle acceptait silencieusement ses choix. Qui ne dit mot consent, n'est ce pas ? Nyx se releva et posa ses affaires dans son casier, elle enfila sa blouse verte et sécha ses larmes devant la glace. Un jour, se jura-t-elle, un jour j'aurai le courage.