ÂGE, LIEU ET DATE DE NAISSANCE — C'était il y a 21 ans, un 30 juillet 1980, dans une banlieue non loin de Londres que Neville a respiré pour la première fois. Premier et unique fils d'une famille qui déchantera rapidement. Seul descendant d'un nom qu'il porte avec une fierté inextinguible. Fils d'un destin aux ailes coupées trop vite. PROFESSION —La fuite est la seule option qu'il lui reste. Il le sait dans son coeur, dans sa tête, dans ses entrailles. Mais il renaîtra de ses cendres, il n'abandonne pas, il n'abandonne jamais. Aujourd'hui à la tête du groupe des réfugiés, il n'a jamais ne serait-ce qu'effleurer ce que l'on appelle le monde du travail mais gérer un groupe est une activité à temps plein. Désormais implanté au ministère, piédestal instable, il tente de sortir la tête de l'eau. NATURE DU SANG — Pur même s'il n'en a cure. C'est la pire des ignominies que de penser que le statut du sang l'emporte sur l'humain. BAGUETTE — Neville possède une baguette en cerisier, avec en son centre un crin de licorne. elle mesure vingt-sept centimètres et est prédestinée aux sortilèges offensifs.STATUT MATRIMONIAL — Totalement dévoué à la cause qu'il défend, il s'est blindé, Neville. Contre tous les coups du sort que la vie a placé sur son chemin. Contre ceux qui partent, contre ceux qui reviennent. Contre une rousse sulfureuse qui a le pouvoir de dévaster son myocarde en battant des cils.  ANCIENNE MAISON — Les rouges et ors. Gryffondor. Les lions.PATRONUS —C'est Harry Potter en personne qui lui a appris à matérialiser son patronus et ce dernier prend la forme d'un lynx. EPOUVANTARD —Auparavant l’inénarrable professeur Rogue himself. Désormais, avec la mort d'Harry Potter il ne craint plus que de voir la victoire de Lord Voldemort. La défaite de la résistance. CICATRICES ET MARQUES VISIBLES — Une cicatrice à l'arcade, résultat d'un combat encore vivace dans son esprit avec une certaine Bellatrix Lestrange. PARTICULARITÉ — Aucune en particulier. GROUPE — We Never Forgive

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Les pas d’enfants qui cavalent sur le bitume. Elle est brune, elle est souriante celle qui hurle, devant, en invectivant celui qui le suit. Lui, il est un peu plus pataud, il est un peu plus lent et maladroit mais il a le sourire aux lèvres. Devant eux, un jardin immense dans lequel ils se perdent en criant. Comme les gosses qu’ils sont encore. Et il y a cet arbre, il est si grand cet arbre. Et elle aime tellement y monter. Lui, il n’aime pas trop ça. Il sait très bien qu’il se fait mal tout le temps quand ils y grimpent. Il n’est pas très doué avec tout ça. Il n’est pas très doué tout court. On le lui répète depuis qu’il est haut comme trois pommes, qu’il est une catastrophe ambulante. Alors il n’ose pas, et il la regarde qui monte, toujours plus haut. Elle se perd presque dans la canopée et lui, il la regarde. Il l’admire depuis longtemps. « Ced, attends-moi ». Il se décide enfin, et il monte la rejoindre. Les branches craquent, lui mettent des échardes sous les ongles. Ce soir, sa grand-mère va certainement râler en les lui enlevant, mais il sait très bien qu’elle approuve qu’il fasse ce genre de jeu. Ces jeux qui « forgent le caractère » selon elle. Parce que son petit-fils, de caractère, il n’en a point, si ce n’est pour perdre tout ce qu’il peut posséder un jour. Elle le dit, souvent. Et il la croit, lui. Il la croit parce qu’elle le dit. « Allez dépêche-toi ». La petite main se tend, le hisse dans les branches. Cedrella ne lui dit jamais qu’il est maladroit. Elle ne lui dit jamais qu’il n’y arrivera pas. Elle fait, il la suit. Et la confiance dans les yeux de son amie de toujours donne cette force au garçon joufflu. Elle est la sœur qu’il n’a jamais eu. Il s’accroche tant bien que mal, ça craque dangereusement sous son poids. « Si je tombe, ma grand-mère va me tuer » Elle hausse les épaules, la Rowle intrépide. « Si tu tombes, tu mourras avant qu’elle ne le fasse ». Il grimace comiquement « C’est pas du tout rassurant ! » Et elle éclate de rire. Sans se moquer. Juste pour rire. Et il adore ça, Neville. Ça fait longtemps qu’il n’y a plus de rire, dans sa vie, c’est elle qui les as réintroduit, d’un seul coup. Rayon de soleil du gamin Longbottom condamné à vivre sans ses parents. C’est Cedrella qui est arrivé, comme une tempête, un ouragan qui a consciencieusement bouleversé sa tristesse. L’a épaulé, l’a aidé à sourire à nouveau. Il se souvient encore des soirées où il lui demandait, dans la pénombre, si jamais il reverrait un jour ses parents lui parler. Et elle, elle posait sa main sur la sienne en lui souriant, elle ne pouvait rien faire de plus après tout. Parce que personne ne savait si les parents Longbottom seraient un jour capable de reconnaître leur fils. Dur à reconnaître. Encore plus dur à accepter. « Ca va être comment là-bas tu crois ? » Cedrella le tire de sa rêverie d’un seul coup, il la regarde avec des yeux ronds. Ses mains se serrent sur son perchoir en louchant sur le sol, en contrebas. « Je sais pas, mon oncle m’a dit que là-bas les premières années étaient tout le temps terrorisés. Que les plus grands passaient leur temps à leur en faire baver… » ça lui fait peur d’avance, à Neville. Il sait parfaitement qu’il est l’archétype de celui sur qui on peut aisément taper. Il déglutit difficilement et voit Cedrella secouer la tête « On m’a pas dit la même chose, à moi ». Et elle parle. Et il écoute. Un avenir prometteur qu’elle déroule, savourant chaque syllabe. Il boit ses paroles. La croit aisément. Bientôt, Poudlard sera à eux.

Les lumières de la Grande Salle dansent sur les hautes fenêtres, donnent une impression de clarté infinie qui se réverbère dans les yeux hallucinés des premières années. Une fille jacasse devant Neville, elle a déjà lu toute l’histoire de Poudlard. Un rouquin adresse une grimace à un maigrichon avec une cicatrice sur le front. Harry Potter. Il écarquille les yeux, Neville. Il prend la main de Cedrella à ses côtés et lui adresse un coup de coude pour qu’elle regarde, elle aussi, celui qui a tenu tête à Celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom. Elle acquiesce, elle l’a vu elle aussi. Un sourire de connivence, Trevor dans sa poche et ils s’avancent. Les murmures sur leur passage, leurs cœurs qui battent. Il est temps de savoir. Neville se tortille dans son coin. Observe. Ils s’égrènent, tous ces noms qu’il ne connaît pas encore. Hannah Abbot, Seamus Finnigan, Hermione Granger, Victoire Starkweather, Ron Weasley. Il ne sait pas encore, Neville, qu’ils seront essentiels pour lui. Pour le moment, il croise juste le regard de Cedrella qui vient de se faire envoyer à Gryffondor. Il lit un mélange étrange de soulagement, de tristesse, de fermeté sur son visage. Il se rappelle sa promesse, faite sur le même arbre où ils avaient parlé de Poudlard. Cet arbre où il s’était réfugié quand ses parents avaient été déclarés fous. Une promesse d’éternité. Il sera toujours là pour elle, comme elle sera toujours là pour lui. Un point d’attache, une ancre immobile dans la tempête. Rassurante. Il lui adresse un signe, et c’est son nom qui est crié. Ses membres tremblent un peu, le choixpeau sur sa tête semble hésiter et Neville ne comprend pas. Ce dernier reste silencieux, réfléchit, peut-être un peu trop. Il attend la terrible sentence, s’attend déjà à ce qu’on lui dise qu’il n’est pas un sorcier, qu’il n’a rien à faire ici. Ses pensées supplient « Gryffondor, gryffondor ». Il rendrait sa famille tellement fière. Il se rendrait fier de lui, pour une fois. Ses yeux se ferment, il attend. « GRYFFONDOR ! » Un tonnerre d’applaudissement, des cris. Il a trouvé sa nouvelle maison.

Une énorme explosion vient secouer la salle de classe. Neville se lève d’un seul coup, toussant et crachant. Un fou rire lui déchire le ventre, il n’arrive presque plus à respirer. Il a presque les larmes aux yeux. A ses côtés, le gamin qui vient de provoquer le grabuge se secoue. Noir de la tête aux pieds, les yeux écarquillés, il se rue vers Neville pour le bourrer de coup de poing « Je t’interdis de rire, tu m’entends ? Je t’interdis ! ». Des minutes d’insouciances, volées à une situation des plus angoissantes. Tout s’envole, pendant un quart de seconde, ils sont redevenus des gosses. Seamus, Neville. Deux gamins que la vie a rassemblés pour en faire une équipe, un duo soudé. Deux âmes liées par un fil invisible que Neville pense alors indestructible. Seamus est son meilleur ami depuis le premier jour. A la seconde où il a commencé à faire exploser toutes sortes de choses, en réalité. Et depuis, ils ne se lâchent plus. Le même combat, les mêmes espoirs. L’Armée de Dumbledore, ils y sont entrés ensemble. Mus par une envie de faire entendre leur voix, peut-être. De s’élever contre la force sombre qui étend lentement ses tentacules sur le monde sorcier. Un soupir derrière eux. C’est Victoire qui hausse les épaules. « Franchement, tu devrais arrêter d’en rire, il fait ça tous les jours ça en devient une habitude » « Oui mais avec Rogue, pas moyen de sourire. Ici au moins, on est tranquille ». La Salle sur Demande bruisse de sorts, de patronus lumineux filant dans les airs, de protego inarticulés. La résistance a ses débuts. Et il en fait partie.

Les rivages de France laissent un arrière goût salé déplaisant aux coins de ses lèvres. L’iode laisse sa peau poisseuse. Le sable se colle sur ses mains, mais il est grossier de ce côté de la Manche. A vrai dire, il trouve toutes les bonnes raisons du monde pour ne pas aimer ce pays, Neville. Parce qu’il veut être partout, sauf ici. Quand il regarde de l’autre côté de la mer, il ne voit rien d’autre que la fuite, l’angoisse. Ceux qu’il a laissé derrière lui. Des visages dansent devant ses yeux secs, qui n’arrivent plus à verser une seule larme. Celui d’Hannah. A-t-elle réussi à s’échapper ? Celui de Cedrella. Où est-elle maintenant ? Celui de Cho. Est-elle seulement encore vivante ? Celui de sa grand-mère. De ses parents. De tous ceux qu’ils ont dû laisser en plan. Ça le tue, d’être ici. A petits feux, il sent s’effilocher tous les espoirs de ceux qui ont été entraînés dans cette folle équipée pour sauver leurs peaux. C’est ce qu’ils veulent bien se dire, qu’ils survivent, pour mieux revenir. Mais ça laisse un arrière-goût amer sur sa langue. Et on attend de lui qu’il apporte les solutions, des réponses à tous les problèmes. Il parlemente avec un Seamus de plus en plus véhément, qui se laisse aveugler par une haine dévastatrice, qui voudrait tout faire exploser. Il serre dans ses bras une Victoire éreinté, qui a vu son monde basculer en une fraction de seconde. C’est avec elle qu’il compte les jours dans l’ombre des nuits françaises. Ils regardent les étoiles, se promettent mille et unes fantaisies. Ils sont si loin. Elle est si proche. Elle est son ancre dans ce paysage étranger. Dans ces yeux, il puise la force dont il a besoin. Mais parfois, ce n’est pas assez.
« Neville ? » La voix le tire de ses ruminations. Le vent s’est levé, le sable lui gifle le visage. Il frissonne dans l’air marin. Il ne se retourne pas, il reconnaît d’instinct qui se tient derrière lui. Elle est bien la seule petite pointe positive dans cet exil forcé. Ses cheveux roux s’emmêlent dans le souffle du large, elle s’assied à ses côtés, sans rien dire. Parce qu’il n’y a pas grand-chose à dire. Soutien indéfectible, elle les a accueillis. Et lui, il regrette d’être ici. Paradoxe étrange qui les a rapproché sans jamais qu’ils ne se touchent. Effleurements discrets dans un monde en guerre, l’esprit bien trop occupé à se battre, à survivre. A mener une rébellion qui prend un visage nouveau tous les jours. Il ne voit rien d’autre, Neville. Rien d’autre que ce long couloir dans lequel il s’est engagé. Qui n’en finit pas. Se prolonge. Sans lumière, ou bien si faible qu’il a l’impression de ne jamais l’atteindre. Mais elle est là, Mafalda. Un pâle sourire sur son visage fatigué et il tend la main devant lui, l’index pointé vers l’horizon. « On vient de là-bas. Je sais même pas si on y retournera un jour ». Sa main se baisse, retombe dans le sable collant. Il ne la regarde pas, il n’a pas besoin. Il sent qu’elle se pince les lèvres. Elle ne sait plus quoi dire, tous les jours il regrette leur départ. Mais que peut-elle y faire. Alors, coupable, il se tourne, la rassure, ce qu’il fait toujours. « Je crois qu’on pourra jamais assez te remercier pour ce que tu as fait pour nous ». Il est comme ça, Neville. Il n’aime pas qu’on souffre pour lui, il n’aime pas reprocher, il n’aime pas culpabiliser. Alors il trouve les mots, il écarte un peu tout ça pour laisser de la place aux autres, s’effacer. Se faire invisible et pousser en avant ses alter ego. Il déteste l’avant de la scène. Elle lui sourit légèrement dans le vent qui lui arrache ses mots « Tu vas y retourner, j’en suis sûre ». Ca sonne comme une évidence dans sa bouche, il a envie de la croire et de la suivre les yeux fermés. En réalité, c’est le contraire qui va se passer.

La terre promise. Le Manoir Shafiq résonne du soulagement des résistants. Mais Neville, lui, il ne sourit pas. Ils sont tous revenus, en vie. Ils sont tous là, mais pourtant quelque chose s’est cassé à l’intérieur. Un déchirement. Il n’en avait jamais eu de tel à vrai dire. A regarder dans les yeux de son meilleur ami la haine qui l’embrase. L’entendre hurler toutes les morts auxquelles ils ont dû faire face. L’entendre crier vengeance, et tant pis pour ceux qu’on tue et qui n’ont rien à y voir. Dispute. Tempête. Rage. Des mots qui filent, touchent en plein cœur. Et quelque chose qui se casse. Il se souvient, Neville, de Seamus avant. Son meilleur ami. Celui avec qui il riait, élaborait des stratagèmes insensés pour échapper à Rogue, pour échapper à la tyrannie. Il se souvient de leur fuite, ensemble. De leur désespoir commun. Il se souvient de la tristesse dans ses yeux, il avait la même. Son double. Et maintenant, il était parti, Seamus. Maintenant, il n’y avait plus que lui à la tête des we never forgive. Lui, Cho et Mafalda. Et il a l’impression d’avoir presque tout perdu. Dans sa main tournent les glaçons du whisky pur feu qu’il vient de s’avaler d’un seul trait. Sans sourciller. L’alcool lui a brûlé l’œsophage, sans le faire tousser. Ça lui a réchauffé les intestins sans effleurer ne serait-ce qu’un peu la glace qui enserre son cœur. « Victoire est partie aussi, Neville ». Il l’entend encore cette phrase qui l’a assassiné. Au même titre que la dispute avec Seamus, c’est une étreinte de mort qui est venu l’assombrir. Victoire aussi. Sa Victoire. Ensemble, ils se sont relevés alors qu’ils étaient en France. Elle a toujours été son amie à Poudlard, en exil elle est devenue encore plus. Sa voisine de chambre, sa compagne de nuit blanche. Les longues heures à planifier le futur, à regarder les étoiles et se dire qu’ils les reverront un jour, dans un monde en paix. Des promesses. Beaucoup de promesses. Mais elle aussi elle est partie. Sans rien lui dire de plus. Et elle laisse un vide immense, la jolie blonde. Parce qu’il comptait sur elle, il s’appuyait sur elle. Il avait une confiance aveugle en elle. Et maintenant, son absence résonne avec une puissance qu’il n’aurait pas soupçonnée. Il l’a laissé entrer, lui a donné sa confiance entière, totale, sans condition. Parce qu’en elle, il se retrouvait un peu. En elle il a puisé ses forces, lui a donné tout ce qu’il pouvait. Si Cedrella est la sœur jumelle de Neville, Victoire est sa meilleure amie. Comme Seamus était son meilleur ami. Et ils sont partis. Dans un courant d’air qui souffle une bougie. Derrière eux, il ne reste rien d’autre que le vide, le noir. L’absence. « On fait comment quand ils partent tous ? » « Ils sont pas tous partis, Nev. Je suis encore là, Mafalda est là, Cho aussi » « Je sais oui, heureusement » un pâle sourire, il prend la main de Cedrella. Elle est toujours là, comme elle l’a promis. Il l’a retrouvé quand il est revenu, l’a serré dans ses bras avec une force de titan. Elle est vivante, elle est vivante. Il n’a cessé de se le dire. Et c’est un nouveau coup du sort qui a ébranlé ses fondations. La résistance n’est désormais plus une. Elle est deux. Et Neville se redresse, se secoue, chasse sa tristesse, cache ses souvenirs dans un coin de sa tête. Il les chérit, ses souvenirs, mais il les rejette. Le temps n’est plus à la douceur, ni à la tendresse. Le temps est au combat.

Le corps de Cho qui se plaque au sien pour venir le serrer dans ses bras. C’est le même cri d’amour qui les unit. La même tristesse qui appesantit leurs pas depuis qu’elle est partie Mafalda. C’est le même regard chargé de déception qu’ils se lancent sans rien se dire. Parce qu’il n’y a pas vraiment de mots à mettre sur la situation. Elle est partie. Il n’y a rien de plus à dire. La veille encore, il riait avec elle en la faisant rougir en l’embrassant, en lui promettant un avenir à deux. Il s’est endormit en la serrant dans ses bras, en lui murmurant que les batailles futures se feraient avec une rage décuplée. Elle lui donnait sa force, il lui avait donné son cœur. Rien de plus banale, rien de plus simple. Il était tombé amoureux de la beauté rousse sans s’en apercevoir. La réalité l’avait juste prit à la gorge un soir au coin du feu tandis qu’ils se jetaient des insultes. Et maintenant, elle était partie. Une photo posée sur un meuble, juste pour lui rappeler qu’il n’a rien inventé. Une odeur qui plane encore. Une souffrance un peu trop dévastatrice. Il n’a pas pleuré, Neville. Il a arrêté de pleurer depuis que ses parents sont partis à vrai dire. Mais il sent le poids de cette nouvelle perte qui l’écrase de plus en plus. Chaque jour. Il déteste cette pierre qui lui bloque la gorge, l’empêche de respirer. Alors il serre Cho contre lui, il veut prendre sa douleur au même titre que la sienne et la jeter au loin. Il veut bannir tout ce qui a jamais pu toucher à de l’attachement. Parce que finalement, tout le monde part. Tout le temps. Ils s’en vont et ils laissent un grand vide alors à quoi bon ? Il sent sa carapace qui se fêle, inexorablement, et c’est inadmissible. Intolérable. Il a laissé entrer trop de personnes dans son univers déchiré. Les visages voilent ses pensées. Mais maintenant, c’est terminé. Maintenant, son armure n’aura plus aucune imperfection. Ceux qui sont avec lui aujourd’hui, restent. Et c’est une promesse tacite qu’il fait à Cho, sans dire une seule parole. Une promesse aux deux amants qui lui sourient sur la photo devant lui. Maintenant, les autres, ils peuvent partir. Il les laissera faire.

Le manoir Shafiq est en feu. On ne parle plus de désastre, on parle de chaos. On parle de voix qui se brisent sur les cendres de ce qui a été leur maison. On parle de pleurs qui déchirent le rugissement des flammes. Et Neville, au milieu, qui hurle pour se faire entendre, qui lutte pour retrouver des visages connus. Jarmal et Ravenna l’ont poussé vers la sortie mais il est revenu sur ses pas. Il ne peut pas partir sans se retourner. Il paraît que le capitaine coule avec son navire, il n’est pas le capitaine Neville mais il veut faire comme lui : couler en dernier pour sauver le plus grand nombre. Certains le traite de chevalier, de héros pathétique, d’autres d’irresponsable. Il n’est rien des deux, il est un peu de tout. Il est juste un gamin que la vie a un peu trop tabassé et qui ne veut surtout pas perdre ceux auxquels il tient. Dans la panique, il attrape la main de Cedrella qui passe par là et lui crie dans l’oreille « Y’a une porte dans le couloir qui mène au premier étage, faut en faire sortir le plus vite possible. Dégage avec eux ! » Il la serre brièvement contre lui et continue sans se retourner. La fumée l’attrape à la gorge. Sa baguette dans la main, il ouvre les portes, vérifie que personne n’est coincé. Et alors qu’il revient sur ses pas, il tombe sur lui. Seamus. Qui le regarde fixement, un regard mauvais dans ses yeux sombres. « Mais… » Il s’approche, Neville. Le leader des Red Thunder n’a plus été vu depuis le procès de Molly Weasley. Stupeur dans l'assemblée quand le résistant s'était avancé, avait regardé d'un air hautain toute la foule. Il n'était plus là, Seamus. Dans ses yeux, la folie l'avait rongée. « Qu’est-ce que tu fous ici ? » Un cri de rage plus qu’une question. Un cri de désespoir aussi. Ils vont finir brûlés ici tous les deux. La dernière fois qu’ils se sont vus, ils se sont expliqués, longuement. Ils se sont regardés dans les yeux, ils ont dit ce qu’ils avaient à se dire. Et Neville a arrêté d’en vouloir à Seamus. A vrai dire, il ne lui en a jamais véritablement voulu. Il voulait juste comprendre. Et Seamus lui a fait comprendre. La dernière fois qu’ils se sont vus, c’est sur une touche d’une amitié nouvelle qu’ils se sont quittés. Mais depuis, c’est le silence qui a remplacé les actions. Et il est là de nouveau, le leader. Qui ne dit rien. Qui l’observe. Et alors que Neville s’approche pour lui hurler de sortir d’ici, c’est un coup de poing d’une rare violence qui vient le cueillir dans la mâchoire. Il titube un peu, sent la chaleur des flammes dans son dos. C'est donc le côté obscur qui l'a bouffé. Il ne s'attendait pas à un revers aussi cuisant. « Qu’est-ce qui te prend ? Tu … » Il n’a pas le temps de terminer sa phrase que Seamus sort sa baguette et se met en garde. La situation prend Neville de court. Dans son cerveau, tout explose en même temps.  Un sortilège fuse et le manque de peu. Un protego s’échappe des lèvres de Neville et un rire sinistre s’échappe des lèvres de Seamus « T’es qu’un lâche, je l’ai toujours su. Un moins que rien qui se protège plutôt que de se battre. T’as même pas eu l’audace de choisir un camp convenablement » Les paroles sont venimeuses et acides. Elles liquéfient les organes. Et il tente toujours de comprendre « C’est pas toi qui dit ça ». Encore ce rire qui sonne faux. Et ce hochement de tête, ce nouveau sortilège qui vient s’écraser sur la protection de Neville. « Pauvre petit Longbottom. On dirait qu’on a tous décidé de partir hein ? Elle est où Mafalda ? Ils sont où tous les autres ? Y’a que toi et moi. Et crois-moi, je sais déjà qui va ressortir sans brûlure ». D’un seul coup, c’est une rage brûlante et aveugle qui inonde chacun de ses nerfs, ses veines pulsent vers sa poitrine un sang chargé d’une adrénaline destructrice. Le reste, il ne s’en souvient plus vraiment si ce n’est un échange de sortilèges, une bataille dans le cœur de l’enfer, des paroles assassines. Un combat sans issue et la sortie dans l’air frais de la nuit. Le regard de Cho qui le secoue en lui demandant s’il va bien. Lui qui se dégage sans un mot pour regarder le manoir qui part en flamme, un ami perdu qui disparaît dans la fumée en voilant la lune.

Il l’a sentie avant même de savoir qu’elle était là. Entre les murs du Ministère. Celui qu’ils ont pris et payés avec le sang, avec la mort et les blessures. Le prix de la liberté, qu’on lui a dit. Il n’y croit pas. Toutes les victoires du monde ne valent pas autant de mort. Mais ils sont là, maintenant les résistants. Un pas à la fois. Et elle, elle est là aussi. Il se redresse sans oser se retourner, devine déjà les yeux de jade qui l’observent. Ils le clouent au pilori. Et ce sont des vagues meurtrières qui s’abattent sur lui. Un tsunamis de sentiments contradictoires. Des émotions refoulées depuis longtemps, si longtemps qu’il les pensaient perdus. Mais il n’en veut plus de ces sentiments. Ils font bien trop mal. Ils l’ont fait tomber en mille morceaux, il a mis bien trop longtemps à tous les rassembler. D’un seul coup, il lui fait face.
Ça se serre.
Ça hurle.
Mafalda.
Ses entrailles, ses tripes, ses membres, son cerveau, tous ses nerfs sont tendus vers elle, d’un seul coup. Son impulsion première est de courir vers elle, sentir son parfum, sa peau contre la sienne. Il n’esquisse pas un geste. Pas un frémissement. Aucun de ses muscles tétanisés ne bouge. Ils se regardent en chien de faïence et si à l’extérieur, c’est calme, à l’intérieur c’est tout autre chose. Une bataille qui tarde à se jouer. Entre lui, le nouveau lui, et celui qu’il était avant. Celui qui s’est blindé pour ne plus avoir à ressentir, celui qui avait laissé tout entrer pour aimer d’autant plus fort celle qui se trouve devant lui. Et maintenant, il rejette tout, il ne veut rien de tout ça. Il ne veut plus être autant ébranlé, au plus profond de lui. Elle a ce pouvoir, Mafalda, de l’anéantir d’un seul battement de cil. Elle tient dans ses mains ce qu’il est. Elle se joue de lui. Elle l’a détruit par son absence. Et elle revient. Il croyait en être guéri, de son addiction à la française, mais rien n’a jamais été aussi faux. Rends-moi les couleurs, qu’il semble lui crier. Rends-moi tout. T’es parti en emportant la totalité, sans rien me laisser. Je fais comment moi, sans toi ? J’avance en me cognant dans tous les murs. Je me suis habitué, je me suis endurci mais c’est plus pareil. Reviens.
Mais non. Il ne dit rien. Figé dans son mutisme. Une ombre qui apparaît derrière elle, trop proche d’elle. Une main sur sa taille, il lui chuchote quelque chose l’inconnu au bataillon. Une personne qu’il n’a jamais autorisée ici. Victoire ou Ginny peut-être. Il n’en sait rien, il n’a même pas envie de savoir. Il fuit. Le moment est passé, la bulle a explosé. Volte-face, il tourne les yeux et lui tourne le dos. Le cœur en miette. Les poumons en lambeau. Elle vient de lui insuffler tout l’oxygène du monde en revenant dans sa vie mais il a l’impression d’étouffer. Avec cette question au bord des lèvres : Pourquoi Mafalda ? Pourquoi ?