Attendre le train. Pas sur le quai mais au milieu des rails. Ne pas réfléchir. Ne pas agir. S'imaginer que tout peut s'arrêter. Voir la lumière arriver et ne toujours pas bouger. Petyr, il est pas courageux. Petyr, il a peur. Petyr, il a déjà tout calculé. Il l'a vue, l'intersection qui fera passer le taureau de plusieurs tonnes loin de lui. Il aime le vent, Petyr, la bourrasque qui le fait flancher, lui et son corps d'adulte complètement défoncé. Son regard, ses yeux noisettes, c'est pas celui d'un adulte, c'est celui d'un môme. Un enfant perdu, un gamin qui comprend pas pourquoi on lui a donné le corps d'un grand. Petyr, il comprend pas la méchanceté, ça lui passe au dessus de la tête toute ces histoires de sang. Il ne connaît que la tolérance. On ne lui a pas craché de la haine à l'oreille. Il n'a jamais connu ça, la haine de l'autre. Petyr, il aime aider les autres, il vit pour ça. Il sourit beaucoup Petyr. Il nous fait croire que la vie est belle, qu'être en vie c'est génial, que le meilleur est toujours à venir. Il rend les autres heureux, Pete, toujours. Il demande jamais rien en retour, altruiste c'est son second prénom. Pourtant il se cache, il ne supporte pas qu'on soit reconnaissant envers lui, il se déteste Petyr, il n'a jamais su apprécier la personne qu'il était, il voit que ses défauts, ses erreurs, ses conneries. Il a pas de confiance en lui, il sait qu'il n'est qu'un moins que rien, que toute la merde qu'il a fait pour le ministère le fera goûter aux flammes de l'enfer. Petyr, il s'est brûlé les ailes. Alors oui, il semble heureux, ah ça quand on le voit au loin « Ah mon cochon tu t'amuses bien hein ?! T'en profite de ta belle gueule hein ? Tu l'aimes ta vie hein ? » Hein Petyr que tu l'aimes ? De quoi tu te plains t'es beau t'es riche on te laisse tranquille alors vas y dis moi c'est quoi le problème ? Ouais, le problème c'est qu'il se sent pas digne de tout ça. Pourquoi lui et pas un autre ? Hein ? Pete est atteint du syndrome du survivant. Et ça lui pourrit la vie.

QUE PENSEZ-VOUS DU GOUVERNEMENT ACTUEL ? VOUS EN ACCOMMODEZ VOUS OU PAS DU TOUT ? — Pas du tout, j'ai une haine latente pour ce gouvernement de la peur. Ils ne reposent pas sur des bases saine, ce gouvernement est mauvais jusqu'à la moelle. Il n'est au pouvoir que grâce à la terreur qu'il inspire. Ils me font peur je ne vais pas mentir. Je n'ai plus 20 ans, je n'ai plus la passion du jeune soldat prêt à faire couler son sang pour une vertue bafouée. Je plie le dos et j'encaisse, point barre. Je ne sais plus dire « non », je ne sais plus ce que c'est de penser librement, d'avoir des idées , de l'espoir. Tout ça c'est fini. Mais vive le gouvernement.
QUE VOUS ÉVOQUE HARRY POTTER ET L'ORDRE DU PHOENIX AUJOURD'HUI ? — Une occasion manquée et un énorme regret. Comme de nombreux sorciers à l'époque j'avais fêté la « victoire » du jeune enfant sur vous-savez-qui. J'étais de ceux qui étaient plus que ravi de voir le mage noir tombé. J'étais de ceux assez idiot pour s'imaginer que le pire était derrière nous. Quand il est revenu, j'ai d'abord été comme la plupart des sorciers je n'ai pas voulu y croire, j'ai pris Potter pour un fou, puis il a bien fallu se rendre à l'évidence, alors j'aidais l'ordre. A ma manière, à mon échelle aussi surtout, en tant que médicomage j'ordonnais au porteur de la marque de se reposer plus longtemps, j'essayais d'empêcher leur retour au front, malheureusement ça n'a pas suffit. Potter a été abattu et avec lui tout espoir d'une vie tranquille.
LA VALEUR DU SANG, LE MARTYRE DES NÉS-MOLDUS, QUE PENSEZ-VOUS DE TOUT CELA ? — C'est une vaste connerie. Je viens d'une famille hétéroclites, où la valeur du sang c'est bien notre dernier soucis. Jamais avant que le gouvernement n'en parle je ne m'étais posé la question sur le fait qu'un sang pur était « meilleur » qu'un nés-moldus ou même qu'un moldu tout court. Tout ça ce sont des conneries pour se caresser l'ego ou pour se rassurer face à une menace invisible. La peur et le dégout de l'autre n'ont jamais mené à de bonnes choses. L'histoire s'est trop souvent répété à cause d'un pauvre imbécile qui s'est senti supérieur à un autre, pour une couleur de peau ou un sang plus noble. Les hommes n'apprennent jamais de leurs erreurs.
AVEZ-VOUS FAIT DES CHOSES HORRIBLES POUR SURVIVRE ? AVEZ-VOUS DU TRAHIR DES AMIS ? VENDRE DES NOMS POUR NE PAS ÊTRE PUNIS ? — Je n'ai trahi personne si ce n'est moi-même. Mes convictions. Les promesses que je m'étais faite. J'ai obéi aux ordres comme un bon petit toutou. Je n'ai pas attendu qu'on me menace pour couper les ponts avec ma famille. Isolation rime avec sécurité, ils n'ont rien contre moi qu'ils ne m'ont pas déjà pris. Je n'ai pas eu mon mot à dire quand ils ont mis la main sur les dossiers de l'hopital, et les quelques-uns que j'ai brûlé pour qu'ils ne parviennent pas à leur regard m'ont coûté cher.
EST-CE QUE VOUS AVEZ DU FUIR LE CONFLIT ET LE GOUVERNEMENT OU, AU CONTRAIRE, L'AVEZ VOUS ACCEPTE ? — Accepté, oui j'ai accepté le gouvernement. Je n'ai pas pu fuir, pas avec l'hôpital, beaucoup de medicomage sont comme moi vous savez, de grands romantiques portés par l'espoir. On ne va pas en médecine si on n'aime pas le genre humain. Alors nombreux furent ceux qui ont fui la capitale dès la mise ne place du gouvernement. Je les comprends et ne les blâme pas seulement on ne peut pas laisser Ste Mangouste aux mains du gouvernement. Je prends ça comme un devoir civique. Rester même si ça doit me couter la vie. J'ai fait serment... qu'il me soit donné de jouir heureusement de la vie et de ma profession, honoré à jamais des hommes ; si je le viole et que je me parjure, puissé-je avoir un sort contraire et mourir dans la tristesse.
QUEL SOUVENIR EST LE PLUS DOULOUREUX POUR VOUS, CELUI QUI VOUS HANTE JOUR ET NUIT ? —C'était un soir de janvier, un soir presque comme les autres.
Le service des trauma était plein à craquer, depuis quelques jours je n'avais plus une seule seconde pour souffler, j'enchaînais les shifts, dormait plus ou moins quatre heures par nuit, je sauvais quelques vies, en voyait d'autre s'éteindre. Ça faisait longtemps que la mort ne me touchait plus. Et pourtant.
Elle était jeune, âgé de 20 ans tout au plus, attaquée par des rafleurs, son état était pitoyable. Les médicomages du service ayant prodigué les premiers soins, je m'occupais des blessures plus en profondeur, celle qui demandait une certaine dextérité, tout se passait bien, jusqu'à ce qu'ils entrent. « Arrête. » Une voix glaciale, le genre qui vous fous des frissons dans le dos, j'ai relevé le regard une demi-seconde, mon coeur a loupé un battement, j'ai continué. La seconde d'après j'étais « desarmé. » « ARRETE ON T'A DIT. » Ils étaient jeunes, je ne pouvais pas voir leurs visages mais leurs regard parlaient pour eux. La passion les dévoraient, ils étaient fiers, ils avaient cette étincelle brûlante de conviction dont la jeunesse à le secret. Sauf qu'au lieu de me donner espoir, elle me terrifiait. « Un sorcier digne de ce nom n'aiderait pas ces chiens de sang de bourbe ! » C'est à ce moment-là que j'ai compris. Ma voix tremblait quand j'ai pris la parole. «Je ... Elle va.. » « Mourir ? Bien sûr ! Ces sangs de bourbe ne sont bons qu'à cela. La magie est une ressource bien trop précieuse pour être utilisée sur ces fils d'elfe de maison ! » Dire que je ne comprenais pas serait mentir. Je savais que ce moment arriverait, seulement j'espérais qu'il soit repoussé au plus tard possible. Ils allaient privatiser l'hopital, en faire un refuge pour les mangemorts, les sangs purs et éventuellement les sang-mêlés. Le tri serait fait ici aussi. J'aurais aimé être un griffondor grande gueule, j'aurais voulu être ce genre de type qui dit aux gens d'aller se faire foutre, j'aurais aimé être ce médecin qui fait son boulot jusqu'au bout quitte à en subir les conséquences. J'aurais aimé. Malheureusement, on ne contrôle pas la terreur qui vous tétanise les membres. Je me suis vu baisser les bras, laissé ma baguette au sol alors que dans un sourire sadique, un mot sorti de ses lèvres.« Endoloris. » Elle a crié. Un cri aigu. Un cri de fin du monde. Puis tout ne fut plus que silence.
Je venais de faire mes premiers pas dans le monde nouveau. Un monde où qu'importe sa pureté, le sang coulerait à flot.