Rétrospective de vies gâchées

Tu es fatiguée, épuisée, éreintée. Ton esprit est brisé, emprisonné dans un corps affaibli par ces trois ans et demi d’errance. Ton cœur n'est plus qu'un vulgaire organe blessé et meurtri qui bat douloureusement contre ta poitrine pour te garder en vie. Ton sang palpite fiévreusement dans tes veines, répandent délicieusement des idées de vengeance. Ton front se pose contre la vitre glacée du château alors que ton regard morne se glisse sur la propriété. Tu es une étrangère dans cet endroit si vaste et impersonnel. Ton terrier te manque. Cet endroit qui a bercé ton enfance. Tu regrettes les murs en carton qui laissait entendre le moindre bruit, le moindre mouvement, le moindre murmure. Tu regrettes les cris, les hurlements et les railleries. Tu regrettes la chaleur de cet endroit. Tu regrettes même les escapades nocturnes dans le jardin, à chasser des gnomes un peu trop envahissant. Toutes ces petites choses qui t'agaçaient te manque aujourd'hui. Tes doigts se soulèvent pour se poser contre la surface froide alors que ton regard se voile. Les souvenirs remontent et se bousculent. Ça te file mal au crane, ça te file la nausée. Des voix qui s'élèvent. Tu t'y accroches pour ne jamais les laisser s'envoler, pour ne jamais les oublier. Les larmes envahissent tes yeux et roulent sur tes joues. Comment fait-on pour se remettre? Hm. Tu ne crois pas que cela soit possible. Les semaines ont passé. Les mois se sont enchaînées. Les années se sont accumulées. La douleur est toujours là, pesant contre ton cœur qui ne parvient pas à cicatriser. Les blessures sont toujours des plaies béantes et ensanglantés qui ne demande qu'une seule chose : la vengeance. Le combat. La violence. Tes poings se referment, ta mâchoire se crispe alors que la détresse laisse place à un sentiment bien plus contraignant qui t'habite depuis bien trop longtemps : la rage. Tu veux te battre. Tu veux les faire payer le prix des vies qu'ils t'ont arraché. Tu veux qu'ils souffrent. Tu veux les blesser comme toi-même tu as été blessée. Tu ne veux rien leur épargner. Tu veux te battre, pour eux, pour la liberté dont ils rêvaient et qu'ils ne connaîtront jamais. Il n'y a plus de clémence, de pitié ou de demi mesure. La guerre a fait son oeuvre et a repoussé les limites de chaque sorcier. Le mal n'a plus le même visage. Le mal n'a plus la même signification. Combien d'ennemi peux-tu tuer avant de perdre ton âme? Si cela n'est pas déjà fait. Les vies n'ont plus la même valeur... Tout dépend du camp auquel tu appartiens.

Mais quel camp? Tu ne t'imaginais pas une seule seconde que les choses puissent prendre cette tournure. Pourtant, la fracture est là, vous rongeant de l'intérieur. Tu es incapable de choisir... Ou plutôt incapable d'assumer les conséquences de ce choix. Seamus ou Neville. Neville ou Seamus. Finalement, le choix ne se résume qu'à cela. Deux êtres auxquels tu t'es attachés plus que de raison. Deux êtres que tu ne peux te résoudre à perdre. Neville est comme un frère pour toi. Votre amitié s'est tissée au fil des années, bien avant que la noirceur s'empare du monde de la magie. Il a toujours été là. Aussi loin que tu t'en souviennes. Tu l'as vu grandir et s'affirmer, tu l'as vu devenir ce Leader qu'il est aujourd'hui. Il a porté la résistance a bout de bras... Et il s'essouffle. Comme s'il avait oublié le combat que vous aviez commencé à Poudlard. Comme s'il avait oublié les pertes que vous aviez subi. Puis, il y a Seamus. Tout est tellement plus compliqué avec Seamus. Tu n'oses pas penser à ce que tu ressens pour lui. Tu ne veux pas penser à ce que tu ressens pour lui. Tu n'en as pas le droit. Tu ne sais pas. Tu ne sais plus. Tu te sens tellement bien lorsque tu es en sa compagnie.. Mais tellement coupable. Rien que d'y penser ça te bouleverse, le malaise s'empare de ton être. Tes doigts se crispent sur tes tempes battantes, se mêlant aux mèches rousses. Tu fais quelques pas. Tu ne dois pas penser à cela.Au plus profond de ton être, le choix est fait. Tu as peur. Tu crèves de trouille à l'idée de prendre position. Tu es pétrifiée. Tu as la curieuse impression de le trahir. Mais voilà trop longtemps que tu nourris les idéaux de Seamus. Voilà trop longtemps que tu lui souffles ton désir d'action. Voilà trop longtemps que tu le portes et le pousses à se battre. Il est temps d'assumer, de mettre des actions sur ces beaux mots. Tu te détestes. Et plus encore tu détestes la situation dans laquelle tu te trouves. Tu détestes cette faiblesse apparente qui envahi ton être à chaque fois que l'on parle de l'un d'entre eux. Tu ne parviens pas à les oublier. Tant de noms. Tant de visage. Et il pourrait y en avoir tellement plus d'ici la fin de cette guerre. Parfois l'idée de tout lâcher s'empare de toi. D'abandonner. De baisser les bras. Mais tu ne veux pas que leurs sacrifices aient été vains. Non. C'est tellement usant d'être toujours forte. Tu leur dois bien ça. Tu te dois de te battre, puisqu'ils n'en ont plus l'opportunité. Pour la liberté. Pour l'espoir.

Des bruits de pas se font entendre au loin. Tu te redresses. Tes doigts se glissent sous ton regard pour balayer les quelques larmes qui roulent sur tes joues rosies. Hey, Ginn' ! Tu n'as pas besoin de te retourner pour savoir de qui il s'agit. Tu prends une inspiration profonde avant de tourner les talons pour lui faire face. Un sourire s'est emparé de tes lèvres. Un sourire créé de toute pièce. Un sourire qui n'est plus que le vestige de ton entrain et de ta fougue d'antan. Tu te veux rassurante. Tu n'es pas de ceux qui flanchent, non, tu es de celles qui tiennent et soutiennent le groupe. Tu n'es pas de celles qui flanchent. La vérité? Tu n'es plus que l'ombre de toi-même, rongée par cette foutue guerre. Tu vas bien? Un nouveau sourire. Tu t'avances vers elle pour lui prendre sa main. Tu te veux rassurante et chaleureuse, mais tu n'es pas Molly, tu n'es pas cette même réconfortante et aimante. Oui, oui, ça va. Je me suis perdue dans le fil de mes pensées. Et tu détestes cela. C'est sans doute l'avantage de cette vie d'errance. Vous bougez beaucoup, vous vous dispersez, vous n'avez pas le temps de vous arrêter pour penser, pour regretter. Enfin, c'était le cas avant d'arriver au château Shafiq. Tu détestes cet endroit. Tu détestes te retrouver seule avec toi-même. Tu détestes être confrontée à ces pensées. Tu veux t'éteindre. Tu veux te battre. Tu veux être vide et ne plus penser à rien. Tu l'attires hors de la pièce pour retrouver les autres et te mêler à cette foule. Tu laisses tes fantômes derrière toi... Pour un temps seulement.

***

Ton cœur s'est tourné vers l'un des camps et ton monde semble plus que jamais s'écrouler. Toutes tes certitudes s'envolent alors que le manque se fait cruellement ressentir. Neville. Mafalda. leur absence résonne à chaque pas que tu fais dans la violence. La culpabilité de leur avoir faussé compagnie te ronge les entrailles, exacerbant tes sentiments. Et il y a ce sérum, il fond dans tes veines, il s'insinue sournoisement, s'abreuvant d'un pouvoir pour lequel tu n'as plus aucune maîtrise. tes sentiments, tes émotions provoquent des vagues de magie incontrôlable. C'est un cercle vicieux qui te garde prisonnière. La solitude dans laquelle tu te renfermes ne fait que nourrir la détresse et les ténèbres dans lesquels tu te loves. Ses sentiments te rendent d'autant plus vulnérable, d'autant moins abordable. Tu n'es plus qu'une ombre, tu ères, assoiffée d'action, assoiffée d'une vengeance qui ne vient pas. L'éclair rouge se fend de toute part, en échos à la disparition de Seamus. Le monde ne tourne plus rond, la résistance se meurt, déstabilisée par l'absence de son Leader. Il ne demeure qu'une résistance en miette, une résistance divisée alors qu'elles auraient pu se compléter sans trahir les idéaux des uns et des autres. Tu gravis les décombres de cette maison de fortune, allant te réfugier dans les hauteurs pour échapper aux voix qui se mêlent. Tu croises le regard de Victoire et un sourire douloureux vient fendre tes lèvres. Tu baisses le regard, essayant d'échapper à sa compréhension de ton mal-être. Elle est ce dernier pilier qui se tient à tes côtés et tu ne parviens même pas à aller vers elle. Tu crains que l'état d'esprit dans lequel tu te trouves ne menaces sa vie. La magie émane de toi, elle t'enveloppe comme une aura alors que tu te laisses gagner par les émotions. Les lumières vacillent curieusement sur ton passage, trahissant cette perte de contrôle, trahissant ta faiblesse. Tu es inutile. Ce sérum t'a volé tout ce qu'il te restait. Tu ne peux te permettre de participer aux quelques missions futiles, tu ne peux te risquer que le mal qui te ronge ne vienne compromettre la réussite du groupe. Tu as beau être téméraire, tu n'es pas stupide au point de mettre en danger les derniers précieux membres de cette résistance pour assouvir tes envies et alimenté un ego en perdition.

***

Le fils malfoy t'a libéré de l'emprise de ce maudit sérum qui te privait de cette précieuse magie. Les événements de Sainte Mangouste te hante, tu ne parviens pas à comprendre pourquoi l'ennemi t'a tendu la main alors que ta propre mère a mis ta vie en danger pour assouvir sa soif de sang. La rancœur parsème ton cœur face à cette mère en perte de contrôle. Les têtes rousses tombent les unes après les autres... A moins d'avoir rejoint les rangs de l'obscurité. Les fantômes de cette attaque te suivent à chacun des pas que tu fais, mais tu as retrouvé une lueur d'espoir en récupérant une maîtrise de tes pouvoirs. Les rugissements de la Lionne retentit au plus profond de ton âme. Tu as retrouvé une lueur d'espoir en te frottant à l'ennemi. Tu as retrouvé une lueur d'espoir en te confrontant à tes propres faiblesses qui se trouvent être également la leur. La trêve n'est qu'une maigre consolation face au procès de Molly Weasley. Jugée aux yeux et à la barbe de tous. La résistance se pressait aux portes de cette condamnation, ultime soutient livrée à la femme qui t'a élevée. Mais les instants de bonheurs matriarches appartiennent à un passé révolu. Tu n'es pas certaine de vouloir assister à sa fin. Tu n'es pas certaine de pouvoir l'encaisser. Et pourtant... Tu ne peux te résoudre à l'abandonner. La fin arrivera, peu importe que tu sois là pour y assister ou non. Tu ne veux pas qu'elle crève au milieu d'inconnu. tu ne veux pas qu'elle disparaisse en croyant que sa propre fille l'a abandonnée à son triste sort. Tu le lui dois, même si tu ne la reconnais plus, même si tu éprouves énormément de rancœur à son égard. C'est comme ça que tu te retrouves à sillonné les couloirs du ministère. Portée par la foule, tu te laisses guider jusqu'à la pièce ou se presse déjà bon nombre de résistants. Ton regard se coule sur eux, mais dés que tu croises leur regard, tu te dérobes de peur de flancher. Tes doigts se serrent contre une balustrade en bois alors que ton regard se noie au centre de la pièce, dans l'attente de voir apparaître la chevelure flamboyante de Molly. Ton cœur loupe un battement lorsqu'elle t'apparaît. A ses côtés une figure étrangement familière et pourtant si différente. Tes lèvres tremblent alors que tes doigts se resserrent davantage sur le morceau de bois. Un coup de poignard porté dans ton cœur. Seamus se tient aux côtés des soldats de l'ombre. Tu as l'impression que l'on vient de te déchirer la poitrine à main nue pour t'en extraire le cœur. T'en as le souffle couper. Tu fléchis sous la douleur, ne parvenant pas à t'extraire de cette vision effroyable. Le poids d'une nouvelle perte. La renaissance de la lionne. Il est le combat qu'elle ne perdra pas. Pas cette fois.