Regarde-toi. Ouais, toi, là. T’es grand, pas trop mal foutu. T’as ce regard, qui perce les masques. Qui analyse, qui fait froid dans le dos, parfois… Et puis, d’autres fois, qui remonte délicieusement le long de sa peau et t’en frissonnes, rien que d’y penser. Mais regarde toi, putain. Utilise les tes yeux, ces yeux de perçant. Regarde plus encore, regarde plus loin, creuse sous ta propre carapace. Sous cette apparence calme, tu sais qu’il est là. Tapit, au fond, dans le noir. Tu sais qu’il est là. Et il rit, cet enfoiré. Il rit si fort, il t’en briserait les côtes, te foutrait à genoux et te forcerais à en redemander parce que putain, c’est comme ça qu’il peut sortir. Veut sortir. Mais le laisse pas, par pitié. Le laisse pas s’échapper. Reste droit, t’es pas à terre mon gars. Reste droit et fière. Regarde putain. Regarde c’est quoi ta vie. T’es là, t’es debout, mais en fait t’es à genoux. T’as perdu. T’avais cru que t’allais gagner, hein ? T’as perdu et plus ils gagnent, plus tu perds. Suffit pas d’être dans leur camp. Mais le laisse pas sortir, par pitié. Le laisse pas sortir, tu vas crever.

Mais il n’apprenait pas. Il avait beau en entendre, des consignes, des exemples, des passages de l’histoire où les moldus avaient opprimé les sorciers : il n’allait simplement pas apprendre. Il ne comprenait pas. Augustus ne comprenait pas comment un homme sans pouvoir magique pouvait opprimer celui qui était armé d’une baguette. Ils sont mauvais, ils lui ont dit. Ils sont terriblement mauvais, ils ne s’attaquent pas à nous en étant seul, non. Et le nombre, c’est la force, Augustus. Des pensées qui s’infiltraient en lui, tels des milliers de serpents qui s’insinuaient le long de ses neurones, y créaient de nouvelles connexions, de nouvelles idées. Jusqu’à ternir jusqu’au plus profond de son âme. Crève, putain, crève… Serre les poings, serre les dents, ta gueule. Non mais crève, laisse le te tuer, juste pour… Non. Non, tu ne peux pas. Parce que tu l’aimes, hein ? T’es qu’un traitre. Quand ils vont l’apprendre… Ta gueule, putain. Tais-toi. TAIS-TOI. Ferme là, laisse moi vivre, laisse moi être un… Tu peux rêver.

Son regard ne le lâchait pas, il le sentait peser sur lui pendant les cours qu’ils avaient ensemble, en dernière année, sur sa nuque, et avait envie de se retourner juste pour croiser ces yeux chocolat. Dans les couloirs, quand il le croisait, il ne pouvait empêcher ses yeux de s’accrocher aux siens. Ils ne disaient rien, alors, ils ne s’étaient même jamais parlé, mais Augustus se surprit plus d’une fois à imaginer ce que sa peau lui procurerait comme délice sous ses lèvres avides. Ce que ses doigts découvriraient le long de son corps et ce que ses yeux pourraient admirer dans leur intimité. Il avait le sentiment de ressentir cette attraction dans toutes les fibres de son corps, qu’elle le parcourait comme un courant électrique.

C’était ce souvenir là, son préféré. Son plus heureux. Le jour où il lui a pris le visage entre les mains et que, sans hésiter, il a posé ses lèvres sur les siennes. Et Augustus a fermé les yeux pour profiter plus encore de ce baiser. C’était mieux que tout. Il avait déjà embrassé avant. Une fille, à Poudlard, pour voir ce que ça faisait. Ca n’avait rien à voir. Ce baiser là, il en voulait encore, il était devenu accro dès le premier jet. Ses doigts s’étaient glissés autour de sa taille et sous sa chemise, juste pour toucher sa peau. Il avait peur du reste, il voulait juste le toucher, pas plus. Et l’embrasser. Le bout de ses doigts courraient sur la beau mate du brun et se glissaient dans le creux de ses reins. Il l’attira plus à lui encore, alors qu’Aleksy ne le lâchait pas non plus. Les mains de l’autre sorcier n’avaient pas bougé, mais elles le firent, maintenant. Ses bras entourèrent les épaules du blonds, sans que leurs lèvres ne se décollent. Et il l’attira plus encore à lui et Augustus se perdit totalement dans cette étreinte. Et la manière dont Aleksy lui mordilla doucement la lèvre inférieure, la pinça gentiment avant de mettre fin au baiser. Augustus n’en pouvait plus, de savoir ses lèvres si proches et désormais si loin. « Je t’aime. »  Souffla le brun sur les lèvres de son amant, Augustus referma les yeux et glissa son front contre celui du jeune homme. Leurs lèvres s’effleuraient pendant qu’ils parlaient. « Ne me quitte pas. » Il te l’avait soufflé, pourtant… Jamais. Jamais. JAMAIS. Il est partit.

« Tu as le choix ! » Augustus secoua la tête, il avait sa baguette entre ses doigts et des larmes lui coulaient sur les joues. « Non… Non. » Il répondit, la voix brisée d’avoir trop hurlé. Il n’avait pas le choix, il ne l’avait jamais eu. Quand bien même il l’aurait, il finirait par crever pour ça. Il n’était pas libre, enchainé à la pierre qu’il devait se trainer. Et elle grossissait avec le temps. Et pourtant Aleksy essayait, il essayait de le libérer de ses liens mais plus il essayait, plus la pierre devenait lourde. « Tu as le choix. » Le brun abaissa sa baguette. Agustus ne fit même pas l’esquisse d’un geste pour se relever. « Ce n’est pas toi, ça… » En une fraction de seconde, le sorcier se trouvait près de lui. Ses doigts glissaient sur les joues du blond. « Tu n’es pas comme eux, Augustus, s’il te plait… » Ses grands yeux chocolats, il avait l’habitude de se perdre dedans. Le blond le regarda sans parler, il l’écoutait, buvait ses paroles. C’était l’instant décisif, le moment qu’il ne fallait pas foirer. « Je te protégerai… » Il l’avait foiré. En trois mots, pas les bons. Augustus se releva brusquement. « Tu mourras ! » Et il transplana, laissant son amant seul. Et toujours, Aleksy pensera qu’il était perdu, désormais. Qu’Augustus avait l’âme aussi noire que les nuits sans lune et surtout, qu’il l’avait menacé de le tuer. Mais ce n’était pas ça. Augustus voulait le protéger. Tu mourras. C’était son avertissement. Si tu me protège, tu mourras. Je peux pas te laisser mourir, Aleksy, tu ne comprends rien. Tu ne peux pas mourir, pas toi, mais tue moi s’il te plait. C’est mieux que voir la haine dans tes yeux.


Les gens le savaient : les Selwyn aimaient particulièrement décapité leurs elfes de maison. Il avait cinq ans quand il avait été obligé à regarder Stinky mourir. Stinky, ce n’était même pas son prénom. Mais tout le monde l’appelait comme ça depuis que Mrs Selwyn avait fait remarquer que l’elfe dégageait une odeur particulièrement repoussante. Augustus devait bien l’admettre, ce truc là puait de manière assez immonde. Et pourtant, il récurait pas mal de choses dans le manoir, mais l’odeur des produits d’entretien magique n’imprégnait jamais l’espèce de détritus dans lequel il s’entourait et qui lui servait d’habit. Ici, on ne libérait jamais les elfes. Du moins pas à la manière dont on l’entend généralement. Les elfes de maisons entendent trop de choses, ils voient trop de choses. La seule à faire quand on ne veut plus d’eux : c’est le tuer. C’est ce qu’on lui avait dit, et c’était une des rares idées qu’il avait assimilé, avec laquelle il était d’accord. C’était de la logique pure. Libérer ces petites choses immondes était un acte de suicide. Installé dans sur une chaise de jardin en fer forgé, à l’extérieur, Augustus gardait ses grands yeux bien ouverts, malgré le soleil qui l’aveuglait de plus en plus, tandis qu’il regardait l’elfe qui n’osait pas bouger, pas même trembler. Stinky, il l’aimait bien. Il puait, mais il le trouvait drôle et puis il lui apportait des biscuits quand il le lui demandait, même si sa mère ne voulait pas. Son vrai maitre, de toute manière, c’était son père. Mais voilà, il l’avait trahit. Augustus était persuadé que c’était la vérité. Pourquoi est-ce qu’on le dirait, si ce n’était pas vrai ? C’était là tout le problème du jeune homme et c’était comme ça que ses parents avaient pu facilement le modeler à leur image : enfant, Augustus était naïf. C’était son père qui allait le faire. Sa mère se couvrait le nez d’un mouchoir blanc, alors qu’elle regardait l’elfe d’un air de dégout. La trahison en question, Augustus ne su jamais ce que c’était. Il ne demanda pas, on ne demande pas ce genre de choses. Mais il devait être là, il devait apprendre. Son père avait prit un couteau de cuisine particulièrement tranchant. Il avait des armes plus nobles, plus belles, mais cette chose là ne méritait pas tant d’attention. En une fraction de seconde, la tête sauta et roula au sol, Augustus la regarda pendant un long moment. Il n’éprouvait aucune sorte de peur (c’était son père qui avait commis l’acte et il pensait encore que son père le protégerait toujours), ni de tristesse, ou de sentiment d’injustice. Il pensait réellement que c’était une bonne chose. Parce qu’on le lui avait dit.

Il était au manoir quand il apprit la nouvelle. Penché sur un livre qu’il lisait avec assiduité, ce fut son père qui vint le trouver et à peine l’homme entra-t-il dans la pièce que le jeune sorcier sentit qu’il se passait quelque chose. Il referma le livre, non sans avoir au préalable jeter un coup d’œil au numéro de la page pour y revenir plus tard. Son père souriait, de ce sourire du vainqueur qu’Augustus n’avait pas eu l’occasion de voir ces derniers temps. Il fronça les sourcils, son expression s’était faite interrogative. « Que se passe-t-il, père ? » demanda le jeune homme, en le regardant d’en bas, puisqu’il était assis et son père, debout. « Fils, nous avons vaincu. » Augustus se leva, il était légèrement plus grand que son père, ce qui le perturbait un peu d’ailleurs. « Comment ça ? » Son ton était avide, curieux, un peu inquiet aussi mais son père ne le perçut pas. « Harry Potter est mort, Augustus. Au manoir des Malfoy… » Son père continua de parler mais Augustus ne l’écoutait plus, il glissa ses doigts sur la table, sur la couverture de son livre et s’y appuya un court instant, de manière presque imperceptible. Avec la mort de Potter, c’était aussi la mort de son train de vie actuelle. De ce pseudo tolérance de sa famille quant à son comportement pas tout à fait extrémiste. De leur tolérance vis-à-vis du fait qu’il avait l’avant-bras toujours vierge. Pourtant il les détestait, tous et plus encore les mêlés, à vrai dire, que les sang de bourbe. Ces gens là le dégoutaient. Ils se bâtaient contre leur propre sang, sans même avoir l’air de s’en rendre réellement compte. Ils auraient tout fait, pour pouvoir avoir ne serait-ce qu’un regard de la part d’un pur. Mais Augustus ne les regardait que de haut, et les écartaient d’un coup de baguette. Il était redoutable, une baguette à la main. Long et mince, il n’inspirait aucune peur mais dans son regard brillait déjà cet éclat de folie douce et pure. Mais il n’avait pas franchit le pas de tuer un homme, jamais. Il n’avait pas franchit le pas de la marque.

Ca devait changer. Il devait changer. Il devait se laisser aller à cette douce folie. Selwyn, signent-ils de leur sang. Ils en aiment la couleur, la texture, le toucher et surtout le bruit que ça fait quand ça coule et s’écoule sur le sol et s’échappe d’un corps mutilé d’un sang de bourbe. Mais c’est dégueulasse, le sang de bourbe. C’est plus épais, c’est pas très coulant et ça a une odeur à vous faire vomir. C’est pas vraiment supportable, mais il le supportera. Il le doit. Augustus a tué sa première moldue, c’était une fille qui allait à l’école en même temps que lui. Elle s’appellait Hannah… Non mais tu t’en fous, ça, Augustus. Elle était gentille.. Ta gueule. Elle lui avait même prêter son encrier une fois, parce qu’il avait renversé le sien dans les escaliers en courant pour rejoindre la classe de métamorphose. Ta gueule putain, ta gueule ! Elle était morte, là, à ses pieds. Ses cheveux roux baignaient dans son sang rouge pourpre, dégueulasse que c’était, le sang de bourbe. Il avait presque envie de s’ouvrir les veines, juste pour voir si le sien était vraiment plus beau.

Dans ce nouveau monde, il devait trouver sa place. Augustus avait, jadis, travaillé au département de la justice magique. Il s’était trouvé une place en tant que gratte papier dans un sous département qui ne lui plaisait pas beaucoup. Ce qu’il voulait, c’était devenir juge dans le magenmagot et c’était une ambition que son père approuvait. Il le voyait bien défendre les causes des sorciers purs, devant la cour. Mais ce n’était pas exactement ce qu’Augustus avait en tête, alors. Maintenant ça avait changé. Ils étaient tous bons à tuer, de toute manière. Lui ne devait que survivre, avoir un héritier mâle et une héritière femelle, pour s’élever encore plus haut dans la hiérarchie. Pour atteindre le sommet. Selwyn, avant tout. Et maintenant, c’était finit tout ça. Ou presque. Augustus ne serait pas juge, non, il serait membre de la Brigade Rouge. Directement sous les ordres de Malfoy, un sorcier plus jeune que lui mais qui avait mérité sa place, d’après ce qu’il avait fait. C’était une évidence pour lui, Augustus se retrouva au service de recherches. Mais son véritable travail commença quand il fut promu au poste de capitaine. Il allait les traquer, tous, jusqu’au dernier. T’as perdu, t’es qu’à genoux et l’autre, il s’esclaffe toujours, mais t’as perdu, j’te dis. Ta gueule, j’ai gagné, je ne peux pas perdre, tu m’entends ? Je ne peux pas perdre, je vivrai, quoi qu’il m’en coute. Mais t’es déjà mort.