THÈME ÉCRIT (3) : l'attaque du château shafiq
   Pour être tout à fait honnête, Malachi n’avait strictement rien à faire au château Shafiq ce soir-là. Il aurait du être tranquillement chez lui, à raconter une histoire de dragon à son fils, ou à préparer sa prochaine dose de Tue loup. Il avait reçu de l’aconit fraiche en début de semaine, et l’odeur l’avait d’ailleurs tellement importuné qu’il avait du laisser à son elfe de maison le soin d’aller faire sécher la plante aux fleurs violettes dans le grenier. Mais non, au lieu de tout ça, il s’était retrouvé au milieu de ce chaos, ventre à terre, à ramper sur le sol constellé de débris pour trouver une sortie à cet enfer.

La journée avait pourtant commencé normalement, sans heurt. Il était arrivé à l’hôpital magique après avoir déposé Ambros à la garderie des jeunes sorciers de Dublin, et s’était occupé de ses patients habituels, l’esprit serein. Il avait préparé le cataplasme pour une adolescente frappée d’une dragoncelle violente, puis avait passé un bon moment avec un patient atteint d’éclabouille, forcé à l’isolation à cause du caractère particulièrement contagieux de la maladie. Malachi l’avait eu enfant, et était à présent totalement immunisé, profitant ainsi du calme de la chambre du sorcier grêlé de pustules purulentes. Mais quand l’horloge du grand couloir sonna les six heures de l’après midi, un portrait de la salle de repos avait interpelé le jeune médecin, l’intimant de se rapprocher d’un geste de la main, l’air conspirateur. Le jeune homme s’était raidi, mais avait obtempéré : le tableau en question était celui d’un mage perse particulièrement connu pour ses onguents soignant partiellement les piqures de manticores, et son utilisation d’herbes hallucinogènes pour exacerber les dons de certains extralucides. Le mage du tableau était le complice du réseau de résistance, du fait de la présence de son cadre au château Shafiq, qui permettait ainsi aux rebelles de contacter les médecins de leur bord en cas d’extrême urgence. C’était souvent par lui que les résistants passaient pour demander de l’aide à Malachi, quand les réserves de médicaments étaient au plus bas. Mais là, la demande fut un peu plus … surprenante. Il y avait un blessé, qui avait besoin de soins, nombreux, et urgents. Aucun des mages soigneurs de l’organisation n’avait pu être dépêché, et il fallait quelqu’un, vite. Malachi ne pensait pas être considéré comme digne de confiance par les rebelles, après tout son nom ne plaidait pas en sa faveur, pas plus que sa réserve naturelle. Pourtant, le serment d’Hippocrate était identique pour les moldus et les sorciers, et il ne pouvait refuser son aide à une personne dans le besoin. Le tableau lui indiqua d’attendre dans les toilettes de l’hopital, où quelqu’un viendrait le chercher. Ben voyons. Il prévint rapidement son elfe qu'elle aurait à récuperer le jeune maitre ce soir, qu'il rentrerait tard, et qu'il ne faudrait ouvrir la porte à personne, sous aucun prétexte.

Malgré la méfiance, le médicomage avait attendu, adossé à un des lavabos, qu’un membre de l’ordre, de l’organisation, enfin peu lui importait leur appellation, vienne à sa rencontre. Finalement, il n’entendit qu’un craquement, distinctif du transplanage, et une main ridiculement petite et froide se glisser dans la sienne. Malachi songea que les sorciers ne pouvaient transplaner dans l’hopital, sécurisé par de nombreux sorts anti intrusions. Mais les elfes de maison, oui. Quelle brillante idée. Un second craquement, et le médecin se retrouva à genoux dans un salon immense, une douzaine de paires d’yeux et de baguettes pointés en sa direction. Finalement, ce fut le maitre des lieux, Jarmal Shafiq, qui baissa sa baguette en premier, pour lui tendre une main ferme mais amicale pour l’aider à se redresser : les deux hommes se connaissaient, ne serait ce que de vue, et parce que le médicomage avait déjà soigné des membres de la famille Shafiq lors de quelques passages à Ste Mangouste. Ce que Malachi ignorait encore ce soir là, c’était que c’était Lupin lui-même qui avait un jour parlé à ses proches de celui qui était encore un tout jeune médicomage, leur confiant ses bonnes impression sur le jeune homme discret, mais passionné. C’était ces bons retours qui avaient décidé Jarmal et Molly Weasley de faire appel à lui, prenant le risque qu’il soit du mauvais bord, malgré leurs relations ponctuelles.

On l’avait amené à l’étage, dans une chambre sombre où se reposait une jeune fille au teint pâle et aux yeux fiévreux. Elle avait été mordu ou piqué par dieu ne savait quoi la veille, et la fièvre n’avait pas cessé de monter, et la petite se mettait lentement à délirer, ses yeux roulant sous ses paupières closes. Malachi avait pris le pouls de la malade, vérifier ses signes vitaux avant de faire son office : il était a peu près sur que la demoiselle avait été mordue par des Doxys, ces espèces de petites fées à fourrure noir qui se planquent dans les vieilles batisses comme le château Shafiq : elle avait du déranger une mère couvant ses œufs, qui l’avait surement attaqué pour se défendre. C’était un accident domestique commun, mais à traiter rapidement : la morsure des doxys était venimeuse, et potentiellement dangereuse pour les personnes fragiles. Il prépara une infusion à faire boire régulièrement à la malade, à base de bézoar et de millepertuis, destiné à purifier son organisme, lui administrant la première dose tranquillement. Il n’eut pas le temps de poser le bol de décoction sur la table de chevet qu’un bruit d’explosion retentit au rez de chaussée. Malachi se redressa prestement, tendant instinctivement le nez en direction de la porte entre ouverte : ça sentait la suie, le souffre et l’électricité statique. Merde. Merde merde merde. Il y avait l’odeur de la peur aussi, si reconnaissable par le petit gout métallique qu’elle laisse sur le bout de la langue. Il se passait quelque chose d’anormal en bas. Le regard du médecin passa plusieurs fois de sa Patiente au couloir, du couloir à sa patiente : le plus sage pour lui aurait été de transplaner, la maintenant, tout de suite, et de laisser les rebelles à leurs problèmes. Il avait fait son office, il n’avait pas à jouer les héros. Mais la gamine avait quoi … 20 ans, à tout casser ? elle ne pourrait pas se défendre, ainsi allongée dans son lit, tremblante et divagante. Que pouvait il faire, sinon rester avec elle, le temps de savoir ce qu’il se passait ? Sans bruit, alors qu’il entendait des pas se précipiter dans les escaliers, dans les couloirs, il lança un sort de désillusion sur la malade, puis sur lui-même, la tirant hors du lit pour l’allonger sur le sol, à l’autre bout de la pièce, pour que son poids ne froisse pas les draps, trahissant ainsi sa présence. Il se recroquevilla contre elle, retenant son souffle, priant pour qu’elle ne se mette pas à hurler dans son sommeil, quand une silhouette sombre déboita la porte d’un coup de godasse dans la poignée, avec un rire gras. A deux minutes près, ils étaient cuits. La forme noire fit léviter le lit pour le fracasser contre le mur, des échardes volant contre les deux sorciers dissimulés près de la fenêtre. La jeune fille gémit faiblement, mais le sorcier noir faisait tellement de dégats qu’il n’entendit rien. Une fois toutes les vitres éclatées, les armoires réduites à l’état de bucher, et le sol jonché de débris. Il finit par sortir de la pièce, en se frottant les mains comme un sale gamin fier de sa petite blague.

Comme un chien sauvage acculé devant un incendie de forêt, Malachi resta un moment tétanisé, la respiration sifflante, devant l’armoire en flamme, dont le foyer se déplaçait lentement vers les baldaquins du lit où la jeune femme se reposait peu de temps auparavant. Les partisans sang pur. Le feu. Ils venaient de foutre le feu chez Shafiq … Comment, Pourquoi ? Trop de questions, pas assez d’échappatoire, lui hurlait son instinct lupin, terrorisé par les flammes. Il devait fuir, vite et bien. Il secoua la tête comme pour retrouver un peu de sang froid, tâtant le sol à sa droite pour retrouver sa baguette qu’il avait laissé glisser à ses pieds en protégeant son visage des éclats qui avaient volé. Il ne trouva d’abord que la main moite de la jeune femme inconsciente. Elle était encore là, elle aussi, bien qu’il ne distinguait qu’une vague forme floue sous le sortilège de protection. La sortir de là. C’était un objectif sain, sensé, il devait s’y accrocher, désespérément, pour ne pas laisser son instinct animal prendre le dessus. Il retrouva sa baguette entre deux tessons de miroir, puis agrippa la jeune femme pour l’aider à se redresser, alors qu’il réfléchissait à l’endroit où il pourrait transplaner avec sa patiente : pas à Ste Magouste, on lui poserait trop de questions. Idem pour le ministère de la magie. Le problème, c’était qu’il ne connaissait même pas le nom de cette jeune femme, sa famille, un endroit où on pourrait la retrouver. Il soupira avant de fermer les yeux. Il visualisa le chemin de traverse, juste derrière la boutique de Madame Guipure, ou ce qu’il en restait. Il était tard, il n’y aurait personne dans les rues. Il la déposerait dans un coin, au calme, avant d’appeler anonymement l’hopital, pour qu’ils viennent la chercher. Oui, c’était mieux comme ça …

Le médicomage ne sut jamais le nom de la jeune femme qu’il avait aidé ce soir là. D’après ce que la Gazette des sorciers lui apprit le lendemain matin, il n’eut pas énormément de survivant ce soir là au château. Il avait eu une chance insolente, mais il n’était pas sur que cette dernière lui sourirait à nouveau, si les sangs purs avaient idée de fouiller dans ses affaires….