Nous sommes le 1er mai 1998. Date à marquer d'une pierre blanche. Pendant des décennis, on se souviendra qu'il faisait froid, ce jour là. Le matin, il avait même plu. Du haut de mes vingt-deux ans, j'assiste à l'un des moments les plus importants de notre siècle, celui que nous attendions tous (ou presque tous...) depuis trente ans. Les autorités ont fait monter un échafaud en plein cœur de Diagon Alley à l'occassion de l'éxécution publique. Sept des plus fidèles partisants de Potter vont être executés devant des centaines de personnes. Certains espèrent un coup d'Etat, peut-être. D'autres sont juste beaucoup trop curieux. Et il y a les autres, comme moi. Ceux qui sont venus admirer la chute de la lumière. Notre victoire, nous sommes venu la savourer.

La rue commerçante, d'ordinaire pleine de vie avec ses restaurants bondés et ses boutiques colorés, est devenue bien plus calme et sombre. Les pavés sont rendus glissants à cause de la pluie. La foule est immense mais silencieuse. Comme si le temps s'était brusquement arrêté. Il est midi. Pour certains, le deuil a commencé car tout le monde sait que ce qui va arriver est irrévocable. La lumière a perdu, il est trop tard. Il faut donc enterrer les morts, pour de bon. Enterrer tout ce qu'on a vécu avant cet instant. Oublier cette vie libre et sans crainte. A ces victimes qui ont combattu avec rage pour défendre leurs idéaux. Un sourire s'étend sur mon visage. C'est dommage. Vous vous êtes bien battu, mais vous avez tous perdu. Quelle tristesse...

Le cœur battant, je regarde les prisonniers monter sur l'estrade. Tous sont menottés. Sur leur visage, la fatigue, la douleur. La honte d'avoir échoué. Celle d'avoir scellé le destin de milliers de traîtres-à-leur-sang et de sang-de-bourbe. Et puis, il y a aussi la peine. La tristesse d'avoir perdu un meilleur ami, un élève ou un modèle. Le ''héro'' du monde sorcier. Il n'est plus qu'un corps froid et exsangue enfermé dans un cercueil magique, exhibé aux yeux de tous dans le hall du ministère de la magie. Quelle jubilation ! Quel plaisir d'admirer la chute de ceux qui croyaient nous battre, de ceux qui pensaient être plus forts que nous, plus forts que Lui. Ils sont sales, leurs vêtements sont déchirés. Il est bien loin, le temps où l'Ordre du Phoenix était rayonnant, prestigieux. Ce ne sont que des rats.

La foule est toujours aussi silencieuse quand un premier rayon vert frappe. Minerva McGonagall. Boum. Son corps sans vie s'effondre comme une marionnette dont on aurait brusquement coupé les fils. Les visages des autres prisonniers se crispent. Ce premier meurtre marque le début d'une longue série d'exécutions. Adieu, cher professeur de métamorphose. Sale garce. Peu à peu, au fil des exécutions, le monde magique sombre du côté des ténèbres. A chaque avada kedavra lancé, l'espoir de la résistance se meurt. Georges Weasley. Boum. Frederic Weasley. Boum. Colin Crivey. Boum. Les corps glissent de l'échafaud, tombent presque dans la foule qui n'ose pas dire un mot. Ils sont nombreux, pourtant, ceux qui veulent crier, pleurer, hurler leur colère, car ce sont d'anciens amis, d'anciens camarades de classe qui se font tuer devant leurs yeux. Mais il est trop tard. La peur de se faire attraper par les mangemorts. Ils sont à l'affut du moindre dérapage. La moindre tentative de révolte pour la tuer dans l'oeuf. Bientôt, je serai à leur place. Je serai un des leurs. Dean Thomas. Boum. L'espoir s'envole, cela se voit sur les visages. Et puis il y a ceux dont le sourire s'aggrandit. J'en fais parti. Notre monde, le monde des sorciers, renaît enfin. Luna Lovegood. Boum. Hermione Granger. Boum. Il est midi dix.

« A la gloire du Seigneur des Ténèbres » dis-je simplement.