Quelque part non loin de Nantes, en France, le 23 juillet 2000 ◈ Le soleil, grosse boule de feu orangée, rencontrait finalement l’horizon. Jour pour jour, cela faisait un an. Un an qu’il avait empaqueté le peu d’affaires en sa possession et qu’il avait filé, pour reprendre l’expression, à l’anglaise. Encore aujourd’hui, il en gardait un arrière goût amer sur la langue. Certes, avec le recul et, sans doute, un peu de sagesse tardive, il savait qu’il était bien plus utile vivant que sous terre. Pourtant, il se sentait lâche. Lâche d’avoir fui, alors qu’il aurait pu continuer à aider la résistance sur place. Sauver des vies faisait partie de ses activités régulières et ce, depuis le début de la « guerre » et du nouveau gouvernement. Il était d’ailleurs devenu greffier au sein du Magenmagot dans le but ultime de finir magistrat et ainsi veiller à ce que la loi magique soit appliquée à égalité et sans oppression aucune. William Mackenzie de son vrai nom avait toujours fait preuve de beaucoup d’ambition et d’un caractère particulièrement têtu. Si le jeune lad avait une idée derrière la tête, vous pouviez être sûr qu’il parvenait toujours à ses fins. Bien qu’étant un ancien Serpentard, il n’avait jamais partagé cette  vision absolue que les sorciers de pure souche étaient supposés régner sur la population sorcière. Sans doute, ses origines mêlées jouaient un rôle là-dedans. Quand il a eut vent de ce qui se tramait au ministère, il n’avait eut aucun scrupules à fouiner dans les affaires de ses collègues pour dénicher les fameuses listes de noms. Ces listes étaient particulièrement effarantes puisqu’elles donnaient à elles seules le droit de vivre. D’abord perplexe, il n’y avait pas cru. Au fond de lui, il espérait tout bonnement que l’espèce humaine n’était pas à ce point mauvaise. Plus jeune, il était resté longtemps naïf sur le monde, sans être pour autant complètement idiot. Dès la première tournée d’exécutions, il avait très vite compris à quel point cette classe sorcière ‘supérieure’ était pourrie jusqu’aux os. Il avait donc fait son devoir. Pas celui que le ministère attendait de lui, obviously. Non, celui que lui dictait sa conscience. On n’envoyait pas des gens à l’échafaud simplement à cause de leur sang. La résistance.  C’était son moteur. Il ne vivait que pour elle. D’abord frustré de se retrouver en France, il avait vite fini par comprendre qu’il pourrait tout autant les aider à l’étranger. A condition, bien sûr, de rencontrer les personnes adéquates et celles qui feraient la différence. Très vite, il monta tout un réseau, échangeant des informations capitales, récupérant les fameuses listes gouvernementales anglaises… Aujourd’hui, il s’occupait principalement d’aider les sorciers et sorcières qui désiraient quitter la Grande-Bretagne sans passer l’arme à gauche. Il servait d’intermédiaire en France, ne pouvant décemment pas être un infiltré, puisque son visage avait lui aussi fait son apparition au sein du ministère dès que ses collègues avaient eu vent qu’un traître vivait parmi eux. Un rictus étira ses lèvres et il passa une main sur son visage, toujours installé sur un rocher, le regard perdu au loin sur la ville de Nantes qui commençait à s’illuminer en ce début de soirée. Depuis quelques jours, la conviction de Liam s’affermissait. Au fond de lui, il savait qu’il devait retourner au pays. Non, pas en Ecosse, comme il le devrait sans doute.  Du moins, cela serait toujours moins risqué que de retourner à la capitale, là où toutes les guêpes étaient dans le même panier. Il connaissait les risques. Après tout, sa famille entière avait bien été décimée par la main de la femme à laquelle il avait un jour voulu passer la bague au doigt. Ses mains se serrèrent instinctivement sur la roche, faisant blanchir instantanément ses phalanges. Penser à elle le rendait toujours maussade et énervé, sort of. Liam avait toujours eut le don de faire des choix malheureux en amour, si bien qu’il n’avait plus jamais tenté l’expérience par la suite. Parmi ses conquêtes, Darcy gagnait assurément et bien loin devant toutes les autres. Un soupir s’échappa de ses lèvres. Il ne savait toujours pas pourquoi elle l’avait épargné ce jour-là. Il s’était préparé à mourir de sa main. Il l’avait même attendue, acceptant son sort et s’étant même fait une raison. A vrai dire, il avait été lui-même trop abasourdi par les événements qui s’acharnaient sur sa famille. Que ce soit elle, en personne, qui les exécute l’avait tout simplement chamboulé très profondément de l’intérieur. Une partie de lui-même, reconnaissait qu’il en allait de soi. Après tout, la liste lui était revenue à elle. Pourtant, il n’aurait jamais cru que celle dont il était fou amoureux allait passer à l’acte. L’imaginer est assez monstrueux. Le voir est une chose complètement différente. En un sens, il avait accepté sa mort parce qu’elle était son bourreau, celle qui le libèrerait de sa peine et de sa douleur. Il n’oublierait jamais les mots qu’elle avait prononcés ce soir-là : Tu aurais dû protéger les tiens. Partir, abandonner, ne jamais revenir. Personne n'aurait eu à mourir. Par ces mots, elle lui balançait au visage qu’ils étaient morts à cause de lui. A cause de son entêtement à vouloir sauver tout le monde. Tu n’y arriveras pas, semblait-elle lui dire, au-delà des mots. Ils sont trop puissants pour toi, Liam. Résister ne te mènera à rien. Pourquoi t’es pas parti, putain !? Sa réaction l’avait réellement déconcerté. Il pensait qu’elle l’aurait tué de sang-froid comme elle l’avait fait pour sa famille. En un sens, il s’était attendu à découvrir une toute autre personne que celle qui avait partagé ses années scolaires à Poudlard. Il l’avait réellement espéré, du moins. En réalité, elle était Darcy, celle-là même qu’il avait toujours connu. Qu’elle l’ait trahi à ce point l’avait totalement détruit, brisé en millier de morceaux.


Complètement perdu dans le tumulte de ses pensées, l’Ecossais n’entendit pas le bruit des pas qui s’approchait, aussi sursauta-t-il légèrement quand il aperçut la fine silhouette qui s’installa à ses côtés. La température de la journée semblait avoir considérablement diminué en même temps que la descente de l’astre roi. Un frisson parcourut la jeune femme qui resserra son châle en laine toute en tendant une tasse de café chaud à Liam qui la remercia chaleureusement avec un sourire. ‘J’ai pensé que tu apprécierais un peu de chaleur’, lui glissa-t-elle, en français. Il hocha de la tête, tout en trempant ses lèvres dans le breuvage brûlant. ‘Merci, mademoiselle Clémentine’, répondit-il peu après, dans un français où son accent écossais ressortait malgré tout. ‘J’aurais aimé un bon whisky, mais un café fera très bien l’affaire.’ Après une année en France, Liam avait considérablement amélioré son français, ou plutôt, sa compréhension de la langue de Molière. La parler restait encore fastidieux, même si il arrivait à se débrouiller plus ou moins bien dans chaque situation. Son regard se posa alors sur Clémentine qui fixait l’horizon sans réellement le voir, profitant simplement de l’instant. Elle semblait détendue ce soir, comme libérée de toutes ses craintes et démons. Profitant de son inattention, il la contempla à loisir. Elle n’avait pas été épargnée par la vie non plus, Clémentine. Pour le peu qu’il savait, elle avait été maltraitée par son ex-mari, un sorcier - Maxime Flaubert-, travaillant au ministère de la magie française à Paris. Elle avait brièvement abordé le sujet avec lui, un soir, après le service au restaurant de François, où tous deux travaillaient en temps plein. C’est François lui-même qui l’avait mis en garde, la protégeant comme la prunelle de ses yeux. ‘Si tu lui fais du mal, Liam, je n’aurai pas de mal à t’arracher ce à quoi tu penses’. Plus imagé que ça, il ne pouvait guère faire mieux. François lui avait tout expliqué. Le salaud n’avait pas hésité à violer sa propre femme, à la battre sous prétexte qu’il avait le dernier mot, puisque son sang le lui permettait. Clémentine n’était, après tout, qu’une sale sang de bourbe, comme nombreux de ses collègues avaient l’habitude d’appeler ces sorciers et sorcières qui ne venaient pas d’une famille dotée de la magie. ‘Are ye okay, lass ?’, finit-il par demander, coupant court à ses réflexions. Naturellement entre les deux, la conversation reprenait en anglais. Elle leva des yeux surpris vers lui, ouvrant légèrement la bouche, comme s’il venait de lui couper l’herbe sous le pied. ‘I’m fine’, finit-elle par répondre, quelques secondes plus tard. La raison de son silence arriva quelques minutes après, alors qu’elle déclara, plutôt une assertion qu’une réelle question. ‘You’re leaving, are you ?’ Ses yeux clairs se posèrent sur lui, troublants d’intensité. Elle semblait vouloir lui faire passer un message dont il ne comprenait clairement pas le sens. ‘I guess’, déclara-t-il, doucement, comme s’il testait le sens même des mots qu’il venait de prononcer. ‘Take me with you.’ Leurs regards s’accrochèrent, suspendant le temps entre eux deux. ‘I canna. François won’t let me, Clem’. Elle insista. ‘It is not his call to make. I can’t stay here any longer. Please, Liam. Take me with you.’ Le ton se voulait implorant mais pourtant définitif. Clémentine faisait partie de ces femmes qui savaient ce qu’elles voulaient, en ce sens, ils se ressemblaient énormément. Pourtant, son ton inquiéta l’Ecossais. ‘Does he bother ye ? Yer ex, I mean’ ajouta-t-il en voyant son air perplexe. Elle resta silencieuse un long moment, pesant ses mots. ‘I can protect myself… No, I just want to leave and be somewhere else.’ Liam la considéra un moment, sachant que ce qu’il allait prononcer allait probablement sceller leurs deux destinées. Pourtant, il se savait trop égoïste en cet instant que pour la tenir éloignée pour son propre bien. ‘I’m an outlaw there, Clementine… I don’t want ye to be in trouble cos’ of me. But, I canna tell ye what to do or no. If ye wanna come, then come.’ Le soulagement se peignit aussitôt sur le visage de la jeune femme qui l’enlaça aussitôt. ‘Merci, William’ chuchota-t-elle, en français, dans son oreille.